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[PROGRAMME DE FIDÉLITÉ] Adieu, Flying Blue ?

Le mensonge.

C’est un qualificatif qui est souvent accolé au discours marketing et c’est normal : on essaye de vendre n’importe quoi à tout prix. La naïveté pousserait à croire que l’aérien en est épargné et que le volonté est avant tout de faire rêver. Le réalisme au parfum 2016 balayera tout cela bien vite, sans surprises.

L’information est apparue dans la presse spécialisée, sous la plume de Bruno Trévidic des Échos il y a quelques jours et si elle fait débat dans la communauté des voyageurs fréquents, elle laisse peu de place au doute : Flying Blue va définitivement tourner le dos à la grande majorité de ses sociétaires. Une large refonte du programme aura lieu pendant 24 mois, entre le premier trimestre 2016 et le premier trimestre 2018.

Frédéric Kahane, le directeur de Flying Blue, annonçait à demi-mots que le programme allait calquer son modèle sur celui de Delta Air Lines : Skymiles.

  • « Pour simplifier les règles » : mensonge

Toute personne sérieuse et compétente sur le sujet sait que le programme de Delta, qu’ont d’ailleurs imitées United et American, est très complexe puisque pour l’acquisition des statuts il mêle distance parcourue et dollars dépensés hors taxes.

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Côté miles-prime c’est encore un autre système qui n’a rien à voir puisque c’est uniquement la dépense hors taxes qui est prise en compte.

Exemple ici chez Skymiles, le nouvel étalon de Flying Blue, pour un vol NOU-NRT effectué avec AirCalin (compagnie adhérente au programme). Le nombre de miles pour un membre sans statut est tout simplement divisé par deux.

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Ce n’est guère plus brillant pour les membres Diamond – un statut nécessitant tout de même de dépenser 15 000 USD dans l’année :

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En doublant le montant dépensé pour le billet d’avion on peut dépasser le nombre de miles qui aurait été cumulés selon l’ancien système :

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Par ailleurs, il faudrait ajouter qu’outre-manche British Airways a un système de calcul du statut bien plus difficile à comprendre avec leurs Tier Points obtenus par zones. De plus le reset de ce solde n’a pas lieu au 1er janvier mais le jour de l’anniversaire de l’inscription au programme.

En dépit de ce qu’indique Monsieur Kahane, Flying Blue a un fonctionnement très simple grâce au système – rare en 2015 – des segments qualifiants. Système qu’ils ont par ailleurs eux-même récemment contribué à complexifier lorsqu’ils ont mis en place les prix MiNi et Basic qui interdisaient l’accumulation de miles.

Leur calculateur de miles est de surcroît, il faut le dire, d’une simplicité d’utilisation déconcertante. Exemple ici avec un aller-retour CDG-NBO avec Kenya Airways.

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  • « Améliorer l’indice de satisfaction tout en préservant l’équilibre économique » : mensonge

C’est la technique classique qui consiste à se cacher derrière des clients imaginaires. « Nos clients nous l’ont demandé eux-mêmes ». Si quelqu’un a été consulté dans le cadre de la refonte de Flying Blue qu’il le dise, cela apporterait un éclairage intéressant à ce billet. Le discours est de toute façon rodé depuis les premières dévaluations de 2009 : ce n’est bien sûr pas Flying Blue qui décide mais les clients…

De toute évidence l’ « indice de satisfaction » ne sera, au bout du processus de 24 mois, qu’un champs de ruines. Le seul point positif qui pouvait être relevé suite à cette interview est la diminution du montant – colossal au demeurant – des miles nécessaires pour des voyages « intra-européens ». Mais c’est bien sûr une goutte d’eau qui ne changera pas la donne, et un mensonge de plus :

  1. Air France, KLM, Hop! et Transavia proposent des prix bas toute l’année en Europe ;
  2. Le montant grotesque de la surcharge carburant dont il faut s’acquitter pour ce type de vols en miles.

Flying Blue, prend note de ceci : un passager satisfait est un passager qui dépense ses miles en classes avant.

  • « Nous distribuons chaque jour l’équivalent de 1.000 Paris-New York aller-retour » : mauvaise foi

Ce assertion n’a aucun sens.

  1. Ce chiffre est utilisé uniquement pour faire croire à un nombre de sièges démesuré, mais c’est en fait un volume faible s’il est mis en regard de l’ensemble des avions des compagnies utilisant Flying Blue et qui s’envolent chaque jours : AirCalin, Air France, Hop!, Kenya Airways, KLM, Tarom, Transavia.
  2. Les miles sont utilisés et accumulés chez l’ensemble des compagnies SkyTeam ainsi que d’autres partenaires comme GOL, Malaysia Airlines, Jet Airways, etc. Dans cette perspective le nombre de sièges d’avion dont on parle est décuplé.
  3. Faut-il rappeler qu’à chaque achat de billets-prime, le passager s’acquitte du paiement de la surcharge carburant ? Celle-ci permet largement d’amortir le manque à gagner – équivalent par nature au base fare du billet – puisque cet argent entre directement dans les caisses de la compagnie aérienne.

flyingblue-6 Exemple d’un aller-retour Amsterdam-New York avec KLM en Economy

Sur moyen-courrier on sait déjà que la somme en euros à réunir est, chez Flying Blue, bien trop élevée pour être compétitive quelque soit le montant de miles associé …

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Mais inutile d’essayer de faire comprendre cela aux employés des compagnies aériennes concernées puisqu’ils n’utilisent jamais ce système de miles

Ce serait comme demander à un pompiste roulant en voiture électrique la différence entre le Sans-Plomb 95 et le Sans-Plomb 98 : il ne saura même pas que ces deux carburants coexistent dans sa propre station-service !

Les changements qui se profilent.

Ce qui pourrait disparaître entre 2016 et 2018 :

  • La décote de miles-statuts nécessaires à l’acquisition de statut pour les personnes ayant une adresse en dehors du territoire national (70 000 miles pour le Platinum au lieu de 90 000) ;
  • Les segments permettant d’obtenir un statut Silver (15), Gold (30), Platinum (60).

Ce qui donne à espérer pour les miles-statuts … :

  • Delta Skymiles permet, comme Flying Blue, le rollover des miles : les miles accumulés qui dépassent le seuil nécessaire à l’acquisition un statut sont conservés pour l’année suivante.
  • Les MQDs ne concernent que les passagers basés aux USA : il est donc possible de passer outre en se basant ailleurs sur la planète
  • Les dépenses effectuées avec l’American Express co-brandée Delta Air Lines comptent dans le cumul de ces MQDs.

Ce qui est déjà acté :

Ce dernier point est intéressant et mérite qu’on s’y attarde. Si les miles sont une fausse dépense pour les compagnies aériennes – pas pour les passagers ! -, aiguiller leur utilisation sur de la vente d’articles annexes est encore plus fort. En effet un siège d’avion est perdu si il part sans passagers : récupérer les miles de ces derniers permet donc quoiqu’il arrive de réduire le manque à gagner.

A l’inverse faire payer un article, négocié longtemps à l’avance et qui peut rester en stock sans limite de temps, est bien plus malin sur le plan comptable pour la compagnie. Évidemment vu les tarifs qui sont pratiqués ailleurs sur ce genre d’opération, ce n’est pas de cette façon que l’indice de satisfaction pourra être maintenu !

Conclusion.

Flying Blue clôture en fanfare une année de dévaluations et de sacrifices en place publique de son programme. Le blog TylerBirth.com attend l’année qui s’ouvre avec une impatience amère. Et il ne faut pas s’y méprendre : United n’a mis que quelques mois à suivre Delta, il est donc fort à parier que d’autres FFP européens suivront le chemin tracé par Flying Blue – quel qu’il soit.

Certes, le calcul en fonction des miles a fait son temps. Cette unité de mesure n’est utilisée que par un seul pays au monde … et même pas par les pilotes dans leurs cockpits ! Mais pourquoi dès lors appliquer des barèmes qui vont à l’encontre absolue des passages fidèles ? Que cherchent les compagnies qui se tiennent derrière Flying Blue ?

Le modèle qui viserait à tourner le dos à un grand volume de passagers pour privilégier ceux qui voyagent pour le compte de leur entreprise sans regarder à la dépense, est un calcul à courte vue : ces entreprises-clientes chercheront elles-aussi la rentabilité et ne seront pas toujours enclines à payer toujours plus, aveuglément.

En fin de compte, c’est la notion de classe de réservation qui semble disparaître de l’univers des FFP. Là où le calcul s’effectue encore beaucoup en fonction de la classe bookée, il ne se ferait dorénavant plus qu’à l’épaisseur du porte-feuille du client – ou surtout de celui qui l’emploie.

Épaisseur du porte-feuille, réduction des prérogatives du client, tromperie : non, on est pas près de maintenir un indice de satisfaction satisfaisant !

Mensonges vous disait-on !

Tyler.

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