C’est une petite révolution dans un royaume qui se transforme à marche forcée. En 2026, pour la première fois depuis plus de sept décennies, l’Arabie saoudite lèvera partiellement son interdiction portant sur l’alcool. Cette annonce marque une étape-clé du plan Vision 2030, qui vise à diversifier l’économie nationale, attirer le tourisme international et remodeler l’image du pays à l’échelle mondiale. Mais la tolérance sera strictement encadrée : aucun laisser-aller n’est à attendre dans un pays encore régi par une interprétation rigoureuse de l’islam conservateur.
Une légalisation sous condition : 600 lieux triés sur le volet en Arabie Saoudite.
À partir de 2026, il sera possible de consommer de l’alcool (bière, vin et cidre uniquement) dans environ 600 établissements sous licence, principalement des hôtels de luxe, resorts, et zones touristiques de nouvelle génération. Figurent notamment au programme :
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Sindalah Island, première île de Neom à accueillir des visiteurs,
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Le Red Sea Project, complexe balnéaire aux ambitions premium,
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Et d’autres infrastructures touristiques en cours de développement.
Les spiritueux forts demeurent interdits, tout comme la consommation en dehors de ces lieux : pas d’alcool dans les habitations, les commerces, ou les espaces publics. La production artisanale reste elle aussi formellement prohibée.
Une transformation pour crédibiliser l’ambition touristique mondiale de l’Arabie Saoudite.
Ce geste n’est pas anodin. Il s’inscrit dans une volonté claire du pouvoir saoudien : faire de son pays une destination mondiale du tourisme de loisirs, bien au-delà du pèlerinage religieux de La Mecque. D’ici 2030, le royaume espère accueillir plus de 100 millions de visiteurs annuels, soutenu par des projets colossaux comme Neom, la rénovation de Diriyah, ou encore l’organisation de l’Exposition universelle de Riyad en 2030 et de la Coupe du monde de football 2034.
Or, qu’on le veuille ou non, la possibilité de consommer de l’alcool est souvent considérée comme un standard de l’hôtellerie haut de gamme et du tourisme international. Sans cela, difficile de rivaliser avec Dubaï, Tel Aviv ou même Doha dans l’imaginaire du voyageur occidental.
Le royaume opte donc pour un équilibre délicat : répondre aux attentes des visiteurs internationaux tout en contenu symboliquement l’impact culturel d’une mesure longtemps taboue.
Arabie Saoudite : une rupture lente mais assumée.
En 2022, certaines rumeurs évoquaient un assouplissement limité, via la vente d’alcool en duty free à l’arrivée. Finalement, le gouvernement saoudien fait un pas bien plus significatif, même s’il reste loin d’une libéralisation totale.
Ce mouvement s’inscrit dans une série de transformations profondes déjà observées ces dernières années : ouverture du pays au tourisme de loisir, dissolution de la police religieuse, concerts géants, mises en scène médiatiques de la modernité de Riyad ou de Neom. Tout cela s’accompagne d’un storytelling précis, souvent relayé dans les médias occidentaux, mettant en avant la volonté du prince héritier Mohammed ben Salmane de bâtir une nouvelle Arabie saoudite, moins dépendante du pétrole, plus ouverte mais toujours étroitement contrôlée.
Et dans les airs ?
La grande inconnue demeure le ciel saoudien. Les compagnies nationales, Saudia et la future Riyadh Air, proposeront-elles de l’alcool à bord ? Jusqu’ici, la prohibition s’appliquait également dans les cabines, y compris sur les vols à destination de pays non musulmans. Aucune annonce n’a encore été faite, mais le lancement de Riyadh Air en 2025, pensée comme une vitrine de modernité, pourrait coïncider avec une évolution en ce sens.
Conclusion.
En mettant fin à 73 ans de prohibition de l’alcool, l’Arabie saoudite envoie un signal fort aux investisseurs et au monde du tourisme. Ce changement, aussi symbolique que stratégique, traduit une volonté affirmée de redéfinir les règles du jeu dans le Golfe, avec Riyad comme nouvel épicentre. Reste à savoir si cette ouverture, très encadrée, suffira à convaincre les voyageurs sans faire vaciller les équilibres internes.
Et vous, pensez-vous que cette mesure suffira à transformer l’image du royaume aux yeux du monde ?
Julien.