British Airways vient d’être condamnée à une amende de plus de 3,2 millions de livres sterling, soit 3,8 millions d’euros, pour de graves manquements à la sécurité de ses opérations au sol à Heathrow. Deux incidents survenus en 2022 et 2023, tous deux impliquant des chutes de personnel depuis des équipements de déchargement d’avions, ont conduit à des blessures majeures. Si les faits sont dramatiques, le verdict rendu par la Southwark Crown Court est tout aussi emblématique : il marque un tournant dans la manière dont les compagnies aériennes sont appelées à répondre de leurs manquements à la sécurité même loin des projecteurs des cabines premium.
Des blessures graves sur fond de négligence avérée pour British Airways.
Les deux accidents à l’origine de la condamnation se sont produits sur des televators, ces plateformes élévatrices utilisées pour charger et décharger les soutes à bagages. Le premier incident, survenu en août 2022, implique un agent de piste de 54 ans, victime d’une chute de 1,5 mètre, entraînant de sérieuses blessures au dos et à la tête. Le second, en 2023, concerne un autre employé de 43 ans, tombé de 3 mètres. Hospitalisé d’urgence, il a souffert d’une fracture de la mâchoire et d’un traumatisme crânien avec hémorragie.
Dans les deux cas, l’enquête a révélé un élément commun : l’absence de garde-corps sur les équipements utilisés, malgré une alerte déjà émise par les autorités de régulation. La Health & Safety Executive (HSE) avait en effet formellement averti British Airways des risques liés à ces équipements, bien avant les incidents. Or, le programme de mise à niveau des plateformes, censé équiper les televators de garde-corps rétractables, était en cours mais incomplet au moment des faits.

Une responsabilité pleinement assumée par les tribunaux.
Le tribunal de Southwark n’a pas hésité à pointer la faute directe de la compagnie aérienne, jugeant les risques « prévisibles » et les mesures de prévention « insuffisantes ». British Airways a plaidé coupable à deux violations des règles de sécurité prévues par le Work at Height Regulations 2005, une réglementation britannique pourtant bien connue des opérateurs aéroportuaires.
Les sanctions sont lourdes : 1,33 million de livres pour le premier incident, 1,875 million pour le second, et plus de 20 000 livres de frais de justice. Le verdict est salué par le syndicat Unite, qui représente les travailleurs au sol de la compagnie, et qui rappelle que l’un des blessés souffre encore de douleurs chroniques et de séquelles neurologiques. Sa secrétaire générale, Sharon Graham, a tenu des propos sans ambiguïté : « British Airways doit tirer toutes les leçons de ces drames. Personne ne devrait finir grièvement blessé en venant travailler. »
Un rappel brutal : la sécurité ne s’arrête pas à la passerelle.
Si les compagnies mettent volontiers en avant leur rigueur en matière de sécurité aérienne, avec des standards rigoureux à bord et des formations constantes pour les équipages, la sécurité des personnels au sol reste trop souvent l’angle mort de la culture opérationnelle. Ces incidents le démontrent cruellement.
Or, à Heathrow comme ailleurs, le personnel de piste, les bagagistes, les techniciens de maintenance ou les agents de service représentent les premiers maillons de la chaîne opérationnelle. Ils manipulent des équipements lourds, évoluent dans des environnements à risques, souvent sous pression de temps ou en horaires décalés. Ce sont aussi les moins visibles, ceux dont le travail essentiel reste en coulisse, et dont la sécurité dépend en grande partie de l’attention que leur portent leurs employeurs.
British Airways : une image entachée pour une compagnie en pleine reconstruction.
British Airways, encore engagée dans une stratégie de reconquête post-COVID, n’avait pas besoin de cette mauvaise publicité. Engagée dans une transformation de ses produits à bord, dans une montée en gamme de sa flotte, et dans une réaffirmation de son identité britannique, la compagnie voyait ses indicateurs de satisfaction repartir à la hausse.
Ce verdict vient ternir cette dynamique, en rappelant qu’une compagnie aérienne ne se juge pas seulement à sa Concorde Room, à ses nouvelles Club Suites ou à son champagne en guise de bienvenue, mais aussi à la façon dont elle protège les femmes et les hommes qui œuvrent chaque jour à faire fonctionner ses opérations.

Conclusion.
La condamnation de British Airways pour négligence grave en matière de sécurité au sol dépasse le cadre d’une simple affaire juridique. Elle soulève une question plus vaste : comment rééquilibrer l’attention portée à la sécurité, entre l’avant-scène passager et les coulisses opérationnelles ? Dans un secteur qui aime à se définir comme l’un des plus sûrs au monde, ces deux chutes humaines rappellent que cette sécurité ne peut être vraie que si elle est globale, cohérente, et non hiérarchisée.
Et vous, pensez-vous que les compagnies accordent une attention suffisante à la sécurité de leurs personnels au sol ?
Julien.
(HT : PYOK / Boarding Area)