Longtemps saluée pour sa générosité envers les membres oneworld Emerald, même issus de programmes de fidélité partenaires, Cathay Pacific semble amorcer un tournant discret dans sa politique d’accueil au sol. La réouverture du salon The Bridge à Hong Kong le 7 mai 2025, avec des restrictions (presque) inédites, pose la question d’un glissement progressif vers un traitement différencié, qui pourrait bien s’installer durablement.
Les statuts « Elite » oneworld : un niveau historiquement valorisé par Cathay Pacific
Dans l’univers des alliances aériennes, oneworld est la seule à proposer trois véritables niveaux de reconnaissance (Ruby, Sapphire et Emerald) contrairement à SkyTeam (Elite et Elite Plus) et Star Alliance (Silver et Gold). Le statut Emerald est le plus élevé, offrant théoriquement :
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L’accès aux salons de Première classe dans les hubs oneworld,
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Un enregistrement et un embarquement prioritaire comme les passagers de Première classe,
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Des franchises bagages renforcées,
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Et, souvent, une attention particulière à bord.
Cathay Pacific a longtemps incarné le modèle idéal de ce que devait être le statut Emerald : accès aux salons The Pier et The Wing First pour tous les Emeralds, quel que soit leur programme d’origine (Qantas, British Airways, Finnair, etc.), accueil personnalisé, boarding First même en absence de cabine Première à bord.
Une politique d’une rare élégance, qui tranchait avec celle, plus restrictive, de Qatar Airways (pas d’accès à Al Safwa pour les membres Emerald oneworld) ou de British Airways à Londres.


The Bridge : une réouverture révélatrice pour Cathay Pacific.
La réouverture du salon The Bridge, le 7 mai 2025, est venue rétablir une capacité d’accueil transitoire en attendant les lourds travaux de rénovation de The Wing, prévus jusqu’en 2027. Si l’initiative est saluée, elle s’accompagne d’une évolution notable dans la politique d’accès :
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Le salon est accessible aux passagers éligibles selon les règles oneworld,
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Mais la zone dédiée aux passagers de Première classe (espace de restauration améliorée notamment) n’est ouverte qu’aux passagers First de Cathay Pacific et aux membres Diamond du programme maison « Cathay« ,
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Les membres oneworld Emerald issus d’autres programmes sont exclus de cette zone.
Pour la première fois, Cathay Pacific applique une distinction officielle dans un salon selon l’origine du statut, non plus pour raison de capacité ou de file d’attente, mais comme principe de fonctionnement permanent pour cet espace précis.
Cette évolution, si elle peut sembler mineure, soulève une question plus profonde : celle des limites du statut oneworld Emerald, censé garantir des privilèges uniformes dans toute l’alliance, mais appliqué de manière très inégale selon les compagnies.
Nous l’évoquions plus haut, un exemple emblématique illustre cette tension : Qatar Airways, également membre oneworld, réserve l’accès à son prestigieux salon Al Safwa aux membres Platinum du Privilege Club, à condition de voyager en Business. À l’inverse, un passager Emerald rattaché à British Airways, Qantas ou Finnair, bien qu’également en classe Affaires, se voit refuser l’entrée dans ce même salon.
Ce type de différenciation met en lumière une fracture croissante entre les statuts « maison » et ceux issus de l’alliance : les compagnies investissent prioritairement dans la fidélité qu’elles contrôlent et valorisent en interne, quitte à affaiblir la promesse collective du programme oneworld.
La décision de Cathay Pacific concernant The Bridge ne fait ainsi que s’inscrire dans une tendance plus large, celle d’une réappropriation de l’expérience au sol par les compagnies, visant à mieux distinguer les clients à haute contribution de ceux bénéficiant d’un statut élevé sans lien direct avec la compagnie.
Vers une segmentation plus assumée de l’expérience sol chez Cathay Pacific ?
Cette décision n’est pas isolée : depuis plusieurs mois, l’accès au spa du salon The Pier First est également soumis à réservation préalable, accessible uniquement aux passagers de Première classe et aux membres Diamond. Là encore, les Emeralds « externes » sont traités différemment.
Faut-il y voir une inflexion durable ? Sans doute. Cathay Pacific semble chercher un équilibre entre générosité statutaire et reconnaissance de la clientèle à très forte contribution. Et on peut difficilement ignorer la réalité économique : un passager payant plusieurs milliers d’euros pour un billet First mérite sans doute une expérience plus exclusive qu’un membre Emerald volant en classe Economy sur un court-courrier régional.
La compagnie ne remet pas (encore) en cause l’accès aux grands salons First de The Pier ou de The Wing (à sa réouverture) pour les Emeralds partenaires. Mais la philosophie semble évoluer vers une hiérarchisation plus explicite des privilèges, calquée sur le niveau de contribution et l’appartenance au programme maison.
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Une tendance à surveiller, et une question de cohérence entre membres de l’alliance.
La démarche de Cathay Pacific pose une question plus large : une alliance peut-elle réellement garantir une expérience uniforme à statut égal, si chaque compagnie interprète différemment les privilèges accordés ?
La réponse, de fait, est déjà connue : il n’existe aucune homogénéité réelle au sein d’une alliance, malgré des règles communes affichées. Qatar Airways, British Airways, Iberia ou American Airlines appliquent déjà des filtrages subtils. Cathay Pacific, jusqu’ici dans une forme d’exception positive, semble à son tour se réaligner, partiellement.

Conclusion.
Cathay Pacific n’a pas brutalement changé sa politique envers les membres oneworld Emerald, mais elle envoie un signal : à l’avenir, certains privilèges au sol seront réservés aux clients les plus fidèles ou les plus contributeurs. L’époque d’un traitement uniforme, même entre statuts Emerald, semble toucher à sa fin.
Et vous, pensez-vous que ce recentrage est une mesure de bon sens ou le début d’un glissement plus inquiétant pour l’universalité du statut Emerald ?
Julien.