Le feuilleton judiciaire entre Bruxelles, Condor, Ryanair et l’Allemagne connaît un nouveau rebondissement. Le 28 avril 2025, la Commission européenne a confirmé, après réexamen, la légalité de l’aide publique de 321,2 millions d’euros octroyée par Berlin à la compagnie aérienne Condor, pourtant initialement invalidée en mai 2024 par le Tribunal de l’Union européenne.
Condor : un dispositif public contesté, puis revu.
Pour mémoire, cette aide d’État est la consolidation juridique d’un ensemble de mesures mises en place en deux temps :
- d’abord un prêt-relais de 256 millions d’euros à la suite de la faillite de Thomas Cook, maison mère de Condor à l’époque,
- puis un prêt lié à la pandémie de 294 millions d’euros, converti ultérieurement en soutien à la restructuration.
Au total, ce plan d’aide s’est cristallisé en une restructuration financière publique indirecte de 321,2 millions d’euros, incluant :
- une annulation de 90 millions d’euros de dette sur un prêt public garanti de 550 millions d’euros octroyé par la banque publique allemande KfW,
- un rééchelonnement des modalités de remboursement du solde,
- ainsi qu’un abandon de 20,2 millions d’euros d’intérêts.
En juillet 2021, la Commission avait validé ce schéma au nom de la continuité économique de Condor. Mais Ryanair avait saisi le Tribunal de l’UE en invoquant une procédure bâclée et l’absence de « burden sharing » adéquat ; autrement dit, un manque de participation financière suffisante d’acteurs privés.
Une réévaluation poussée et une nouvelle validation.
En mai 2024, le Tribunal a donné raison à Ryanair, non pas en jugeant l’aide illégale, mais en estimant que la Commission aurait dû ouvrir une enquête approfondie. Bruxelles s’est donc exécutée, et vient de réévaluer intégralement le dossier.
Cette fois, la Commission conclut que le plan allemand respecte bien les lignes directrices européennes sur les aides à la restructuration. Elle souligne notamment que :
- le fonds britannique Attestor, actionnaire à 51% de Condor depuis 2021, finance plus de 70% des coûts de restructuration,
- cette contribution permet de garantir un partage équitable des charges et d’éviter tout aléa moral,
- l’État allemand bénéficie en retour d’un droit sur une partie des futurs gains de valeur de la compagnie, répondant ainsi aux exigences de la Commission en matière de retour sur investissement public.
Condor : entre restructuration et batailles concurrentielles.
Cette validation clôt (provisoirement) une saga contentieuse entamée en 2022 par Ryanair, qui a multiplié les recours contre les aides d’État octroyées à ses rivales européennes pendant la pandémie, Air France-KLM, TAP, Lufthansa, Austrian Airlines, SAS ou encore Finnair.
Mais Condor reste également engagée dans d’autres batailles juridiques, notamment face à Lufthansa. La Commission européenne avait un temps envisagé d’intervenir pour restaurer l’accès de Condor au réseau de correspondances court-courrier de Lufthansa à Francfort, jugé indispensable pour alimenter ses vols long-courriers. Finalement, Bruxelles a décidé en février 2025 de clore la procédure, faute de bases juridiques suffisantes pour imposer des mesures provisoires à Lufthansa.
Conclusion.
Avec cette validation, la Commission acte une nouvelle lecture des aides d’État dans un contexte post-COVID : celle d’un compromis entre survie économique, contributions privées substantielles et protection de la concurrence. Condor, de son côté, voit son avenir sécurisé, du moins à court terme, au sein d’un marché du transport loisirs toujours sous pression. Mais le précédent Ryanair montre que tout soutien public mal calibré peut devenir un champ de bataille juridique.
Et vous, pensez-vous que cette aide d’État à Condor est justifiée pour garantir la pérennité d’un acteur du loisir, ou fausse-t-elle la concurrence ?
Julien.
