Le 12 juin 2025, le vol AI171 d’Air India quittait l’aéroport d’Ahmedabad à destination de Londres Gatwick avec 242 personnes à bord. Moins de deux minutes après le décollage, le Boeing 787-8 s’écrasait dans l’enceinte du BJ Medical College, causant la mort de 260 personnes, dont 19 au sol. Le rapport préliminaire publié par l’AAIB indien révèle désormais des éléments troublants : les moteurs se sont arrêtés brutalement en vol, sans action volontaire des pilotes.
Une montée interrompue dans les secondes suivant le décollage du vol Air India.
Le vol AI171 avait reçu l’autorisation de décollage à 08:07:33 UTC. L’avion a entamé sa course au décollage peu après et a quitté le sol à 08:08:39, après avoir atteint les vitesses de rotation calculées (Vr = 155 kts). Tout semblait normal : les capteurs air/sol basculent en mode vol, la vitesse augmente jusqu’à 180 kts.
Mais à 08:08:42, soit à peine trois secondes après le décollage, les deux sélecteurs carburant des moteurs passent de RUN à CUTOFF, presque simultanément, à une seconde d’intervalle. Les moteurs cessent alors de fonctionner, et leurs paramètres N1 et N2 chutent instantanément.
Dans l’enregistrement du cockpit, l’un des pilotes demande à l’autre : « Pourquoi as-tu coupé ?« , ce à quoi l’autre répond qu’il n’a pas effectué cette coupure. Aucun ordre vocal, aucune séquence de procédure ne laisse présager une coupure volontaire. Le mystère s’épaissit.
Le RAT se déploie, l’avion chute.
Cette coupure simultanée de l’alimentation moteur entraîne immédiatement une perte de puissance électrique et hydraulique. À 08:08:47 UTC, la Ram Air Turbine (RAT) se déploie, comme le confirme une capture d’écran issue des caméras de surveillance de l’aéroport. Ce dispositif d’urgence ne s’active qu’en cas de perte totale d’énergie, confirmant la situation critique dans laquelle se trouve déjà l’avion.
L’appareil, privé de toute poussée, entame une descente irrécupérable. À 08:09:05, le pilote lance un triple MAYDAY. Trois secondes plus tard, l’enregistrement s’arrête. À 08:14:44, les pompiers quittent l’aéroport pour rejoindre le site du crash.
Tentative de relance moteur : trop tard, trop bas.
Selon les données du Flight Data Recorder, le système automatique de contrôle des moteurs (FADEC) tente une relance en vol : à 08:08:52, le moteur 1 repasse en position RUN et à 08:08:56, le moteur 2 suit.
Le système gère automatiquement l’introduction de carburant, l’allumage et la séquence de redémarrage. Si le moteur 2 montre des signes de reprise momentanée, il ne parvient jamais à stabiliser un niveau de poussée suffisant. Le moteur 1 commence à se relancer mais échoue rapidement. L’EAFR enregistre la séquence jusqu’à 08:09:11 UTC.
Un incident de coupure carburant sans commande apparente : une anomalie au cœur de l’enquête du crash Air India.
Le fait que les deux sélecteurs carburant soient passés en CUTOFF sans action déclarée par les pilotes constitue l’un des éléments les plus graves du rapport préliminaire. Le contrôle du débit carburant est géré via le système électronique FADEC (Full Authority Digital Engine Control), en interaction avec les sélecteurs manuels.
En 2018, la FAA avait publié un Special Airworthiness Information Bulletin (SAIB) concernant un risque de désengagement involontaire du système de verrouillage des sélecteurs carburant, observé sur certains Boeing 737. Ce système, similaire sur 787, n’avait cependant jamais présenté d’anomalie connue sur cet appareil (VT-ANB) depuis 2023.
Le rapport précise que les remplacements antérieurs du throttle control module (en 2019 et 2023) n’étaient pas liés à ce système, et qu’aucun défaut n’avait été détecté. À ce stade de l’enquête, aucun lien formel ne peut être établi entre ce bulletin et l’accident d’AI171.
Les causes de cette double coupure carburant restent donc à déterminer. Est-ce une erreur de signal ? Une défaillance électrique ou logique ? Une anomalie de logiciel FADEC ? Ou une intervention humaine involontaire ?
L’enquête devra trancher. Les systèmes de sécurité ont tenté une relance automatique, mais le manque d’altitude et de temps a rendu tout redémarrage inefficace.
Air India : des dégâts humains et matériels majeurs.
L’impact avec les bâtiments est cataclysmique. Le fuselage explose en plusieurs tronçons, les moteurs se détachent, les trains d’atterrissage sont projetés à plusieurs centaines de mètres, et le feu se propage à cinq bâtiments, tous lourdement endommagés.
Sur les 230 passagers (dont 15 en classe Affaires), 229 perdent la vie. Un seul passager survit avec des blessures graves. Les 12 membres d’équipage et 19 personnes au sol meurent également.
Un avion en bon état technique, un équipage qualifié.
Le Boeing 787-8 concerné, immatriculé VT-ANB, était en service depuis 2013. Il totalisait 41 868 heures de vol. Les deux moteurs GEnx venaient tout juste d’être remplacés (mai et mars 2025). La maintenance ligne avait été effectuée conformément au programme, et aucune anomalie critique n’était en suspens.
Le commandant, âgé de 56 ans, comptabilisait 15 638 heures de vol, dont plus de 8 200 comme commandant sur 787. Le copilote, 32 ans, n’avait aucune expérience en tant que commandant sur type, mais 1 128 heures de vol sur 787. C’est pourtant lui qui occupait la fonction de Pilot Flying (PF), le commandant assurant le rôle de Pilot Monitoring (PM).
Les tests médicaux et d’alcoolémie sont revenus normaux. Aucun facteur de fatigue ou d’erreur humaine évidente n’est pour l’instant identifié.

Conclusion.
Conformément à l’Annexe 13 de l’OACI, les autorités américaines (NTSB, FAA), britanniques (AAIB-UK), portugaises et canadiennes participent à l’enquête. Boeing, GE et le DGCA indien sont également mobilisés. Les boîtes noires (EAFR) ont été récupérées, mais seul le module avant a pu livrer des données exploitables. Les analyses post-mortem des membres d’équipage et des passagers sont en cours, ainsi que les tests des carburants prélevés. À ce jour, aucune action préventive n’a été recommandée aux opérateurs de Boeing 787-8 ou aux utilisateurs de moteurs GEnx-1B.
Et vous, pensez-vous que cette tragédie révèle un angle mort dans la certification des systèmes automatisés de commande moteur ?
VdC.