Après plus de deux décennies d’absence sur le sol américain, Gulf Air serait enfin prête à rétablir une liaison directe entre Bahreïn (BAH) et New York (JFK). L’information, non encore officiellement confirmée par la compagnie, fait néanmoins écho à une transformation profonde du transporteur national bahreïni, amorcée depuis plusieurs années, et dont le lancement de cette route emblématique pourrait constituer l’un des aboutissements les plus visibles.
Un retour longtemps envisagé, désormais autorisé.
Ce projet de relance des vols vers les États-Unis n’est pas nouveau. Dès 2019, la direction de Gulf Air exprimait son ambition de reprendre pied sur le marché transatlantique. La pandémie de COVID-19 avait toutefois mis ce projet en sommeil, avant qu’il ne ressurgisse plus concrètement en septembre 2024, lorsque le nouveau PDG, Jeffrey Goh (ancien dirigeant de Star Alliance), annonçait qu’un lancement mi-2025 était envisagé, sous réserve de disponibilité des appareils.
Un cap décisif a été franchi en avril 2025, lorsque le Department of Transportation (DOT) américain a délivré à Gulf Air un Foreign Air Carrier Permit, l’autorisant officiellement à opérer ses propres vols vers les États-Unis. Selon des sources proches du dossier, la compagnie se prépare à lancer une liaison entre Bahreïn et New York dès septembre 2025, à raison de trois vols hebdomadaires opérés en Boeing 787-9 Dreamliner.
Le vol devrait quitter Bahreïn en début de matinée pour une arrivée à JFK en fin de matinée, avec un retour dans l’après-midi, atterrissant à Bahreïn le lendemain.

Gulf Air, un phénix du Golfe en pleine reconstruction.
Le retour de Gulf Air sur le marché nord-américain s’inscrit dans le cadre d’une repositionnement stratégique majeur. Autrefois l’un des poids lourds de la région, la compagnie a vu son influence décliner avec la montée en puissance d’Emirates (1985), Qatar Airways (1993), Etihad Airways (2003) et Oman Air. Face à ces géants du Golfe, Gulf Air a longtemps souffert d’un positionnement flou, d’une flotte vieillissante et d’un réseau restreint.
Mais depuis plusieurs années, la compagnie s’est engagée dans une transformation ambitieuse :
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Renouvellement de flotte long-courrier avec dix Boeing 787-9 dotés des Apex Suites en Business,
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Commande de 16 Airbus A321neo, dont plusieurs A321LR équipés de sièges-lits en classe affaires pour les vols régionaux,
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Nouveau terminal à l’aéroport international de Bahreïn, offrant une meilleure expérience passagers,
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Recentrage sur un modèle de compagnie boutique, valorisant la qualité de service et l’hospitalité arabe traditionnelle.
Ce recentrage a permis à Gulf Air de remonter progressivement en gamme, sans pour autant tenter de rivaliser frontalement avec ses voisins plus capacitaires.

Un pari transatlantique : plus politique que rentable ?
L’ouverture de la route vers New York pose cependant une question de fond : quelles sont les chances de rentabilité d’une telle liaison ? Le marché point-à-point entre Bahreïn et New York est historiquement très faible, avec moins de deux douzaines de passagers quotidiens avant la pandémie. La viabilité de cette ligne ne peut donc reposer que sur le trafic en correspondance, notamment vers l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh ou les Philippines.
Mais Gulf Air devra affronter la concurrence féroce de compagnies mieux établies sur ce segment : Emirates et son A380 quotidien à JFK, Qatar Airways et sa Qsuite, voire Saudia et Etihad. Difficile, dans ces conditions, de proposer une valeur ajoutée suffisante pour attirer les passagers premium, d’autant que Gulf Air ne bénéficie pas d’une notoriété équivalente à celle de ses concurrentes.
L’argument tarifaire pourrait constituer un levier, mais serait en contradiction avec le positionnement « boutique premium » revendiqué par la compagnie. Gulf Air pourrait cependant s’appuyer sur des partenariats stratégiques, notamment avec Air Canada, pour offrir des correspondances vers d’autres villes nord-américaines via le Canada, ou capter une clientèle fidélisée via des accords de réciprocité.

Une décision plus symbolique qu’économique ?
En réalité, cette liaison semble plus diplomatique que commerciale. Dans un contexte régional en mutation, et alors que Bahreïn souhaite renforcer ses liens bilatéraux avec les États-Unis, cette route pourrait servir d’outil de soft power, comme c’est souvent le cas dans le Golfe. Pour Gulf Air, elle constituerait une vitrine de sa renaissance, une preuve de son retour sur la scène long-courrier mondiale, et un gage de crédibilité face aux doutes passés.
Conclusion.
Le retour de Gulf Air sur le sol américain, plus de vingt-cinq ans après avoir cessé ses vols vers Houston et New York, marque un tournant stratégique autant qu’un symbole de prestige. Derrière ce projet transatlantique ambitieux se joue la crédibilité d’une compagnie qui entend redevenir visible sans renier son modèle différencié. Reste à savoir si ce pari, audacieux et coûteux, trouvera son public.
Et vous, pensez-vous que Gulf Air a une carte à jouer face aux géants du Golfe sur le marché américain ?
Julien.
(HT : OMAAT / Boarding Area)