Le ciel de la diplomatie vient de s’assombrir d’une turbulence inédite. Selon plusieurs sources concordantes, dont ABC News, le Qatar s’apprête à faire don d’un Boeing 747-8 à l’administration Trump, un appareil qui sera d’abord exploité par l’US Air Force comme Air Force One avant d’être transféré, dès 2029, à la Trump Presidential Library Foundation. Si les implications politiques d’un tel geste sont évidentes, cette opération interroge aussi l’industrie aéronautique, la diplomatie entre États et les usages institutionnels en matière de biens présidentiels.
Un « palace volant » de 400 millions de dollars offert par Doha.
L’avion en question est un Boeing 747-8 âgé de 13 ans, immatriculé et longtemps conservé dans la flotte privée de la famille royale qatarie. Sa configuration intérieure est décrite comme ultra-luxueuse, au point d’avoir été surnommé dans l’industrie le « flying palace« . Donald Trump a visité cet appareil en février 2025, à West Palm Beach.
L’appareil sera, selon les informations d’ABC News, d’abord cédé à l’US Air Force, qui en assurera la modification afin qu’il réponde aux exigences de sécurité, de communications et d’autonomie propres à tout avion présidentiel. La valeur estimée de ce 747-8, une fois équipé, atteindrait au moins 400 millions de dollars.
Ce transfert s’inscrit dans un contexte particulier : le programme VC-25B, censé fournir deux nouveaux Boeing 747-8 en remplacement des actuels Air Force One (747-200 de 1990), accuse de nombreux retards. Initialement prévu pour 2024, il est désormais annoncé pour 2027 voire 2029, selon les dernières projections de Boeing. Le président Trump a maintes fois exprimé son agacement à ce sujet, allant jusqu’à impliquer Elon Musk dans la supervision du chantier.
Qatar : un transfert inédit à une fondation privée.
Le plus surprenant reste le sort ultérieur de l’appareil. Selon les documents consultés par la presse américaine, le 747-8 ne restera pas propriété de l’État fédéral. L’accord prévoit explicitement un transfert de propriété vers la Trump Presidential Library Foundation « au plus tard le 1er janvier 2029« , sans contrepartie apparente. Tous les coûts liés à la cession seraient assumés par l’US Air Force.
La manœuvre soulève des questions juridiques majeures. Le ministère de la Justice et la Maison Blanche auraient, selon ABC News, commandé une note juridique validant la légalité du transfert, arguant que le don n’est pas conditionné à un acte officiel, qu’il ne constitue donc pas un pot-de-vin et ne viole pas la clause des émoluments de la Constitution américaine. L’argument : le bien est d’abord donné à l’État, puis à une fondation, et non directement à un individu.
Entre diplomatie et dérive des usages institutionnels avec le Qatar.
Ce type de « don » diplomatique, aussi somptueux qu’inhabituel, n’est pas anodin. D’un point de vue géopolitique, il renforce les liens déjà stratégiques entre les États-Unis et le Qatar, qui héberge notamment la base militaire d’Al Udeid, la plus grande installation américaine au Moyen-Orient. Le geste pourrait être interprété comme un signal d’alignement renforcé vis-à-vis d’une administration Trump 2, dans un contexte de recomposition régionale post-Abraham Accords.
Mais sur le plan institutionnel, l’opération crée un précédent discutable. Aucun président américain n’a jamais été destinataire, même indirect, d’un avion présidentiel en legs personnel. Le fait que l’État fédéral assume les frais d’aménagement avant cession soulève aussi une interrogation budgétaire et éthique. L’avion pourrait ainsi rejoindre, sous bannière privée, la collection présidentielle la plus controversée depuis celle de Nixon.
Conclusion.
Au-delà de l’indignation ou du débat partisan, cette affaire illustre une tendance plus large : la privatisation rampante de symboles étatiques, au profit d’initiatives personnelles, fussent-elles mémorielles. L’avion présidentiel, au même titre que les insignes du pouvoir ou les attributs diplomatiques, n’est pas un simple outil logistique. Il incarne une fonction. En changer le statut, fût-ce au terme d’un mandat, relève d’une forme de brouillage politique et juridique.
Et vous, pensez-vous qu’un tel transfert d’un avion présidentiel à une fondation privée soit acceptable ?
Julien.
(HT : OMAAT / ABC News)