Alors que le transport aérien mondial retrouve une dynamique de croissance, les soubresauts du commerce international viennent rappeler aux compagnies aérienne que la route vers la reprise reste semée d’embûches. À commencer par Lufthansa, confrontée à une situation inédite : réceptionner ses nouveaux Boeing 787 dans un contexte de tarifs douaniers européens renforcés. Et pour y parvenir, le groupe allemand pourrait activer un levier inattendu : sa filiale suisse, SWISS.
Des livraisons de Dreamliner entravées par deux crises simultanées pour Lufthansa.
En apparence, la situation de Lufthansa pourrait prêter à sourire : plusieurs Boeing 787 sont prêts à être livrés, alors que la compagnie accélère son programme de renouvellement de flotte. Pourtant, deux obstacles majeurs viennent ralentir la réception des nouveaux appareils.
D’abord, la mise en service de la nouvelle cabine Allegris, attendue pourtant comme le pilier de la montée en gamme de Lufthansa, prend du retard, notamment en raison de processus de certification plus longs que prévu. Certains Dreamliners déjà livrés avaient été configurés avant la finalisation du produit Allegris ; mais pour les prochaines livraisons, Lufthansa compte sur des appareils directement équipés de sa nouvelle offre premium. L’impossibilité d’exploiter immédiatement ces cabines dans les standards attendus pèse donc lourdement sur la stratégie de montée en gamme de la compagnie.
Ensuite, les tensions commerciales transatlantiques héritées récemment de l’ère Trump imposent des droits de douane pénalisants sur les nouvelles importations aéronautiques, compliquant encore davantage le calendrier de réception.
Lufthansa : la Suisse, variable d’ajustement stratégique ?
Face à cette double contrainte, Lufthansa envisage une option aussi créative que révélatrice de la complexité contemporaine : passer par la Suisse, via sa filiale SWISS. En important ses nouveaux Boeing 787 à Zurich, la compagnie pourrait échapper temporairement aux droits de douane européens, la Suisse n’étant pas membre de l’Union européenne et n’ayant pas appliqué de mesures de rétorsion tarifaire contre les États-Unis.
Selon les informations rapportées par Süddeutsche Zeitung, le projet consisterait à immatriculer dans un premier temps les appareils en Suisse, avant de les transférer sous registre allemand lorsque les conditions seront réunies. Reste à préciser les modalités d’une telle opération : exploitation sous wet lease SWISS ? immatriculation temporaire sans changement d’exploitation ? Les implications en matière de droit aérien et de réglementation européenne seront scrutées de près.
Plus qu’une astuce : le symptôme d’une nouvelle géopolitique de l’aérien.
Au-delà du cas Lufthansa, cette situation illustre une réalité plus large : l’aéronautique est désormais prise dans les filets d’une géopolitique commerciale fragmentée. La fabrication d’un avion, éclatée à l’échelle mondiale, expose chaque livraison à des risques tarifaires, réglementaires, voire diplomatiques. Dans ce contexte, posséder des filiales en dehors de l’Union européenne devient un atout stratégique pour les grands groupes aériens.
Le choix de Lufthansa, s’il est confirmé, pourrait ouvrir la voie à d’autres montages créatifs dans l’industrie et inciter Bruxelles à revoir son cadre réglementaire pour éviter d’en affaiblir l’efficacité.
Conclusion.
Pour Lufthansa, ce projet suisse, s’il aboutit, traduirait aussi une forme d’urgence : celle de ne pas compromettre son ambitieux programme de renouvellement de flotte. Entre les aléas industriels du programme Allegris, les retards de certification, et les tensions commerciales transatlantiques, la compagnie allemande est aujourd’hui confrontée à une équation complexe où chaque décision compte. La capacité de Lufthansa à sécuriser ses livraisons tout en préservant sa compétitivité produit sera l’un des marqueurs décisifs de son rebond dans les mois à venir.
Et vous, pensez-vous que Lufthansa a raison de jouer sur l’immatriculation suisse pour contourner les tarifs douaniers ? Et que la solution pourrait se décliner à l’ensemble de l’industrie du fait des filiales et des stratégies de groupe ?
Julien.
(HT : OMAAT / Boarding Area)