Dans le Golfe, les rivalités entre les compagnies aériennes se jouent désormais à ciel ouvert. Qatar Airways vient de lancer une campagne publicitaire directement ciblée contre Riyadh Air, la future compagnie nationale saoudienne, dont le lancement est prévu pour fin 2025. L’accusation est à peine voilée : pour l’opérateur qatari, Riyadh Air serait une copie, un clone, une imitation.
Un duel stratégique et symbolique.
Dans une première vidéo publiée aujourd’hui à l’occasion de la Journée mondiale du rire, un personnage arborant une cravate violette (la couleur désormais emblématique de Riyadh Air) s’exprime lors d’une conférence de presse. Il évoque l’innovation, la technologie de pointe, l’avenir du transport aérien jusqu’à ce qu’un autre personnage s’interroge dans l’assistance : « Mais Qatar Airways n’a-t-elle pas déjà fait tout cela ?«
L’allusion est transparente. La voix finale martèle : « Il y a une raison pour laquelle nous avons été élus meilleure compagnie au monde, encore et encore. » Partagée sur les réseaux sociaux, la campagne ne peut-être plus explicite : « On dit que le rire est contagieux, et apparemment nos bonnes idées le sont aussi.«
They say laughter is contagious, well apparently so are our great ideas.
Happy World Laughter Day. More coming soon pic.twitter.com/jyT2xKBd0l
— Qatar Airways (@qatarairways) May 4, 2025
Riyadh Air : entre ambitions démesurées et calendrier incertain ?
Lancée dans le cadre de la stratégie Vision 2030 de l’Arabie saoudite, Riyadh Air incarne l’ambition du Royaume de devenir une puissance touristique et logistique régionale. Dirigée par Tony Douglas, ancien patron d’Etihad Airways, la compagnie a déjà commandé 39 Boeing 787-9 (une commande assortie de 33 options supplémentaires), affirmant vouloir desservir plus de 100 destinations d’ici 2030.
Mais les premiers vols commerciaux, attendus pour fin 2025, pourraient être retardés en raison de tensions sur les livraisons de Boeing. En attendant, Riyadh Air se prépare à opérer depuis l’actuel aéroport international King Khalid (RUH), tandis que la construction du gigantesque King Salman International Airport se poursuit, un futur hub qui aurait vocation à accueillir 120 millions de passagers par an à horizon 2030.
Pourquoi Qatar Airways se sent-elle menacée par Riyadh Air ?
Ce n’est pas la première pique. Lors de la révélation de la cabine des 787 de Riyadh Air, Qatar Airways publiait simultanément une mise en avant de sa Qsuite. (à noter que les personnages sur la publication portent un Shemagh, un keffieh rouge et blanc, utilisé principalement en Arabie Saoudite, contrairement au Ghutra, un keffieh blanc, utilisé principalement au Qatar).
Feel at home above the clouds, in the World’s Best Business Class. #QatarAirways pic.twitter.com/V6DrpwP9y2
— Qatar Airways (@qatarairways) April 19, 2025
Et pour cause : selon Tony Douglas lui-même, les passagers saoudiens constituent la première clientèle premium de Qatar Airways. Une situation jugée « inacceptable » par le dirigeant, qui entend les rapatrier dans le giron national.
Derrière cette publicité grinçante, c’est donc une bataille d’influence et de souveraineté économique qui se joue. Le Qatar a investi des années dans le développement d’un produit premium cohérent et, il faut le reconnaître, révolutionnaire, avec une expérience client primée et un positionnement fort. Voir naître une compagnie voisine, qui emprunte les mêmes codes visuels et rhétoriques, est perçu comme une menace directe.
Conclusion.
Cette attaque publique inaugure peut-être une nouvelle ère : celle d’une guerre des marques à ciel ouvert. Si Emirates a toujours opté pour une stratégie plus distante, sûre de sa domination, Qatar Airways choisit l’offensive directe, quitte à frôler la satire. À la veille du lancement de Riyadh Air, la ligne de front se dessine donc non seulement dans les airs, mais aussi sur les écrans.
Et vous, que pensez-vous de cette campagne de Qatar Airways ? L’humour est-il une arme efficace ou un aveu d’inquiétude face à une future concurrence ?
Julien.
(HT : OMAAT / Boarding Area)