Le 23 avril 2025, à Toulouse, l’Arabie Saoudite a écrit un nouveau chapitre de son histoire aéronautique. En annonçant une commande de 20 Airbus A330-900, dont 10 fermes pour sa low-cost flyadeal, Saudia Group poursuit méthodiquement sa montée en puissance dans le ciel mondial. Mais ce n’est pas seulement une affaire de flotte. C’est un marqueur d’ambition. Car derrière cette signature, c’est toute la logique du plan Vision 2030 qui prend son envol : transformer le Royaume en hub aérien, touristique, économique et culturel de premier plan.
Saudia Group : une commande stratégique et symbolique.
Ce nouveau contrat vient renforcer l’accord historique signé en mai 2024 pour 105 monocouloirs de la famille A320neo (54 pour Saudia, 51 pour flyadeal). À lui seul, ce deal était déjà le plus important jamais conclu par l’Arabie Saoudite avec Airbus. L’annonce toulousaine lui donne désormais une dimension long-courrier.
Flyadeal, qui ne disposait jusqu’ici d’aucun gros-porteur, s’apprête à accueillir 10 A330-900 pour élargir son rayon d’action. Objectif affiché :
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Renforcer la desserte des flux religieux, notamment lors du Hajj et de la Omra,
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Ouvrir de nouvelles liaisons vers l’Afrique, l’Asie du Sud-Est, et potentiellement l’Europe.
La première livraison est prévue en 2027, avec des réceptions échelonnées jusqu’en 2029. C’est une montée en charge graduelle mais résolue, pensée pour accompagner la croissance touristique et la soutenir.



Vision 2030 : le ciel comme levier d’attractivité nationale.
Les annonces d’avion ne sont pas anecdotiques en Arabie Saoudite. Elles sont politiques, économiques et diplomatiques. Sous l’impulsion de Vision 2030, le Royaume ambitionne :
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330 millions de passagers transportés par an,
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150 millions de touristes accueillis,
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30 millions de pèlerins servis chaque année,
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une connectivité vers plus de 250 destinations.
Autrement dit : l’Arabie Saoudite ne veut plus être un simple point d’arrivée. Elle veut devenir un carrefour global. Et pour cela, il faut un outil aérien moderne, dense, flexible, capable de mailler aussi bien les axes touristiques, religieux que commerciaux. Saudia Group, via Saudia, flyadeal, et ses 13 filiales, est l’instrument central de cette stratégie.
Ce nouveau contrat, comme la visite officielle à Toulouse avec Airbus, sert à matérialiser cette ambition. Il s’inscrit dans une séquence de crédibilisation du récit saoudien, déjà soutenue, par exemple, par Riyadh Air et les investissements massifs dans les infrastructures (nouveaux aéroports, hubs logistiques, training centers, …).

Le rôle pivot de flyadeal : de la low-cost à la stratégie religieuse et régionale.
Ce qui frappe, c’est le changement de dimension de flyadeal. Jusqu’ici cantonnée aux lignes domestiques et à quelques liaisons régionales, la low-cost du groupe va se doter d’un outil long-courrier. Et pas n’importe lequel : un gros-porteur moderne, fiable, et reconnu pour ses performances sur les routes intermédiaires.
Avec l’A330-900, flyadeal pourra opérer :
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Des vols directs à forte densité durant les pics religieux,
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Des liaisons saisonnières vers des marchés secondaires (comme Kuala Lumpur, Addis-Abeba, Dacca, Casablanca…),
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Et même tester des routes européennes en affinité avec la diaspora musulmane ou les flux touristiques émergents.
C’est un vrai levier d’agilité pour Saudia Group, qui déleste ainsi Saudia des routes à faible rentabilité ou forte saisonnalité, tout en démultipliant son empreinte réseau.
L’ambition d’un royaume, le test d’un modèle avec Saudia.
Plus qu’une expansion de flotte, la stratégie aérienne saoudienne devient le test grandeur nature d’un modèle national de transformation économique par le ciel. Là où Dubaï a misé sur Emirates comme bras armé de son rayonnement global, Riyad semble vouloir distribuer les rôles :
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Saudia comme transporteur national revalorisé,
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Flyadeal comme outil agile à vocation religieuse et régionale,
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Riyadh Air comme vitrine mondiale du soft power saoudien.
Et à l’instar de ses voisins du Golfe, l’Arabie Saoudite s’attaque désormais au défi plus large de faire coïncider vision politique, projection diplomatique et attractivité touristique. L’aérien devient l’un des piliers de cette équation : il ne s’agit plus de transporter les visiteurs, mais de les faire venir, revenir, et rester. Cela exige plus que des avions neufs : des routes cohérentes, une image forte, une expérience au sol maîtrisée.

Conclusion.
La commande toulousaine de Saudia Group ne doit pas être lue comme une opération isolée, mais comme une pièce supplémentaire d’une stratégie de puissance plus globale. Vision 2030 cherche à redessiner l’Arabie Saoudite dans l’imaginaire mondial : plus ouverte, plus connectée, plus incontournable. Le ciel devient ici un territoire politique à part entière, un instrument de rayonnement autant qu’un levier économique.
Et pour vous, ce pari peut-il réussir ? L’Arabie Saoudite parviendra-t-elle à concurrencer les hubs de Dubaï ou Doha, et à devenir un carrefour touristique à part entière ? Le ciel seul ne suffira peut-être pas ?
Julien.