C’est une décision que l’industrie attendait depuis près d’une décennie. Le 21 avril 2025, la Federal Aviation Administration (FAA) a officiellement réintégré la Thaïlande dans le club très fermé des pays certifiés « Catégorie 1 ». Derrière ce label technique, une réalité stratégique : les compagnies aériennes thaïlandaises peuvent à nouveau ouvrir des vols vers les États-Unis (ou, tout du moins, en rêver à nouveau). Mais concrètement, qu’est-ce que cela change ? Thai Airways relancera-t-elle ses vols directs vers Los Angeles ou San Francisco ? Et la Thaïlande peut-elle redevenir une puissance aérienne régionale, comme elle le fut avant la tempête ?
De la rétrogradation à la réhabilitation : dix années de remise en conformité.
En 2015, la FAA plaçait la Thaïlande en catégorie 2, un euphémisme pour signaler que l’autorité de l’aviation civile locale (CAAT) ne remplissait pas les standards internationaux de sécurité exigés par l’OACI. La sanction était claire :
-
impossibilité de lancer de nouvelles routes vers les États-Unis,
-
interdiction de signer des partages de codes avec des compagnies américaines,
-
et surtout, dégradation de l’image de marque des transporteurs thaïlandais sur la scène internationale.
À l’époque, Thai Airways avait déjà suspendu ses vols vers les États-Unis, jugés non rentables avec ses coûteux A340-500. Mais la rétrogradation rendait impossible tout retour dans l’axe Bangkok–Amérique. Durant près de dix ans, l’aviation thaïlandaise a navigué sous la ligne de flottaison, regardée avec méfiance par les régulateurs et les transporteurs étrangers.
En 2024, un audit technique de la FAA a finalement validé la correction des 36 non-conformités relevées. Résultat : retour en catégorie 1. La Thaïlande est à nouveau certifiée comme répondant aux normes de supervision de sécurité. Mais cela ne signifie pas que les avions thaïlandais voleront dès demain vers les États-Unis.

Thai Airways, bientôt de retour sur la côte Ouest ?
Officiellement, plus rien n’interdit à Thai Airways d’opérer une liaison régulière vers Los Angeles, San Francisco ou même New York. Techniquement, c’est même une perspective désormais ouverte.
Mais trois freins majeurs se dressent :
1. La flotte
Thai ne dispose actuellement ni du nombre suffisant d’appareils long-courriers, ni de l’autonomie nécessaire sur l’ensemble de sa flotte pour couvrir des routes vers l’Ouest des États-Unis sans escale. Les Airbus A350-900 et les Boeing 787-9 sont bien présents, mais sous-utilisés et souvent engagés sur l’Europe, l’Australie ou le Japon.
Un plan de flotte est en cours, avec la commande de 45 Boeing 787-9 (avec des livraisons prévues entre 2027 et 2032), mais il faudra patienter avant de voir ces appareils voler vers l’Amérique du Nord.
2. La rentabilité
Le souvenir douloureux de la liaison Bangkok–Los Angeles est encore frais. Même avec des avions modernes, un vol direct est soumis à une équation difficile :
-
la concurrence féroce des compagnies du Golfe (Emirates, Qatar Airways, Etihad)
-
la domination du marché nord-américain par les hubs comme Tokyo, Séoul ou Taipei
-
et les faibles volumes de clientèle premium sur certaines périodes
Une liaison directe ne peut être justifiée que si Thai Airways cible un public à haute contribution, avec un produit cabine renouvelé (comme avec une nouvelle classe Affaires avec portes pour maximiser l’intimité des passagers), une politique tarifaire efficace, et des accords interligne solides.
3. Les partenariats
Le retour en catégorie 1 permet à Thai Airways de signer des accords de partages de codes avec des compagnies américaines. Cela ouvre la porte à des alliances stratégiques, en particulier avec United Airlines via Star Alliance. Mais pour que cela fonctionne, il faudra une intégration plus poussée des services, et sans doute une refonte de la connectivité en Amérique du Nord.
Conclusion.
Le retour à la catégorie 1 est un levier diplomatique autant qu’aérien. Il permet à la Thaïlande de retrouver une crédibilité réglementaire dans la région. Cela va bien au-delà de Thai Airways : d’autres compagnies pourraient envisager des collaborations internationales ou des projets d’expansion désormais possibles. C’est aussi un message envoyé aux investisseurs : la CAAT fonctionne, la supervision est en place, l’écosystème est stabilisé. Dans une région où Singapour, le Vietnam et l’Indonésie investissent massivement dans leur aviation, la Thaïlande avait besoin de cette reconnaissance pour rester dans la course.
Et vous, croyez-vous au retour de Thai Airways sur le tarmac américain ? Ou pensez-vous qu’un vol Bangkok–Los Angeles ne pourra plus jamais rivaliser avec les routes via Doha, Dubaï ou Tokyo ?
Julien.
(HT : LoyaltyLobby)