Le lancement de la nouvelle cabine Polaris aurait dû marquer un tournant stratégique pour United. Il a surtout révélé une fracture sociale persistante : celle entre l’ambition produit et la reconnaissance de celles et ceux qui en incarnent le service.
Un événement média perturbé par ses propres équipages.
Brooklyn Navy Yard, New York, mardi 13 mai 2025. United Airlines réunit journalistes, influenceurs et dirigeants autour d’un lancement d’envergure : la nouvelle cabine Polaris, sa déclinaison Studio, et une montée en gamme affichée de ses Boeing 787-9 à partir de 2026. Tout est calibré pour une communication premium.
Jusqu’à ce qu’une dizaine de PNC en uniforme fassent irruption, pancartes en main, scandant « si nous ne l’obtenons pas, on bloque tout !« et « que voulons-nous ? Un contrat ! Quand le voulons-nous ? Maintenant ! » (« If we don’t get it, shut it down! » et « What do we want? A contract! When do we want it? Now! »). La scène, brève mais bruyante, interrompt le programme. Les manifestants sont escortés hors du site, certains accusés d’avoir pénétré illégalement les lieux.
The FAs have their say at today’s UA new Polaris event pic.twitter.com/eyooJNbEGT
— JonNYC (@xJonNYC) May 13, 2025
United : 28 000 PNC en attente d’un contrat depuis 4 ans.
Le contrat actuel des PNC de United est « amendable » depuis mi-2021. Cela signifie que les conditions de travail et de rémunération peuvent, et doivent, être renégociées. Quatre ans après le début des discussions, aucun accord n’a été trouvé.
Alors que Delta a augmenté ses salaires unilatéralement et versé une prime exceptionnelle, et qu’American Airlines a signé un nouvel accord collectif incluant des hausses substantielles et une rémunération pendant l’embarquement, United, elle, reste figée.
Le syndicat AFA (Association of Flight Attendants) dénonce une posture managériale incohérente : la compagnie communique à grand renfort de « premiumisation« , d’augmentation de la satisfaction client et d’expansion long-courrier tout en gelant les évolutions sociales internes.
Des salaires d’un autre temps dans des villes d’aujourd’hui.
Le salaire de départ chez United est d’environ 28,88 USD de l’heure. Ce chiffre ne prend toutefois effet que sur les heures de vol réelles, soit environ 1 000 heures par an, ce qui représente un revenu brut annuel peu compatible avec la vie dans des villes comme New York, San Francisco ou Chicago.
À titre de comparaison :
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Les PNC d’Emirates ont un salaire net inférieur mais le logement et le transport sont fournis ; à cela s’ajoutent des bonus d’exception.
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Les PNC d’American Airlines, après renégociation, bénéficient d’un barème bien plus compétitif, y compris lors des phases au sol.
Pourtant, United continue de jouer le statu quo tout en enregistrant des profits records.
Polaris, Studio, Champagne mais sans équipage satisfait ?
Le timing est malheureux. Ou révélateur.
Alors que la nouvelle Polaris Studio promet oreillers exceptionnels, un amuse-bouche au caviar et du Champagne Laurent-Perrier Cuvée Rosé, l’humain est absent de la mise en scène. Ce sont pourtant les PNC qui devront incarner, expliquer, servir et représenter ce produit.
Le syndicat l’a rappelé dans un communiqué tranchant :
« Le service ne se fait pas sans nous. United a les moyens d’investir dans un contrat de référence pour ses hôtesses et stewards, avec une rémunération premium, des règles de travail justes et des aménagements cabine adaptés. »
Derrière la montée en gamme, une question de modèle social de United.
Scott Kirby, Président-directeur général de United, est salué pour avoir repositionné la compagnie comme un acteur global ambitieux. Mais son discours, à grand renfort de valorisation de l’image, de transformation de l’expérience client, de leadership sectoriel, se heurte à une tension salariale de plus en plus visible.
L’immobilisme sur ce contrat PNC est d’autant plus critique qu’il s’inscrit dans un contexte d’amélioration des marges et de très bonne performance boursière pour United. Une partie de ces résultats est structurellement liée à l’absence de revalorisation contractuelle.
Derrière les portes coulissantes et les assises surpiquées, ce sont aussi les équilibres sociaux qui définissent le niveau de service d’une compagnie.
Conclusion.
En voulant incarner l’avenir du voyage premium américain, United Airlines a peut-être oublié l’essentiel : le prestige ne se décrète pas, il s’incarne. Par ses cabines, certes. Mais surtout par ses personnels. Polaris Studio pourra offrir du caviar, mais aucun passager ne revient pour un produit dont l’âme est absente.
Et vous, pensez-vous qu’une cabine peut être premium sans équipage reconnu ?
Julien.