Le Boeing 777X ne sera pas l’avion du futur. Mais il sera, à défaut, l’avion du présent prolongé. Attendu désormais pour fin 2026 après des années de retards, le nouveau géant de Seattle s’annonce comme une version modernisée du Triple Seven, pensé non pour voler plus vite, mais pour voler plus longtemps, plus loin, et surtout plus économiquement. Dans un monde aérien obsédé par les coûts et les émissions, c’est désormais cela, l’innovation.
777X : un avion de rupture en trompe-l’œil.
Il a les ailes repliables, le moteur civil à réaction le plus puissant certifié à ce jour (le GE9X), une cabine plus silencieuse, une consommation en baisse. Le Boeing 777X coche, sur le papier, toutes les cases de la modernité. Mais en réalité, l’appareil ne révolutionne ni l’expérience passager, ni la performance opérationnelle des compagnies sur un plan fondamental. Il s’agit davantage d’un lifting stratégique que d’une rupture technique.
Côté vitesse, ne vous attendez pas à des exploits : Mach 0,85 en croisière, comme la plupart des long-courriers contemporains (A350, 787, A380). Pas plus rapide que l’actuel 777-300ER, à peine plus qu’un 747-8. Et pour cause : accélérer coûte cher, use les structures, alourdit la consommation, et complique le respect des normes environnementales. À l’heure de l’aviation responsable, on ralentit volontiers.

Une réponse à l’A350 avec plusieurs années de retard pour le 777X.
Le 777X n’est pas né dans un vide concurrentiel. Sa raison d’être tient à un acronyme : A350. Airbus a su, avec cet appareil, imposer une plateforme efficace, polyvalente, et surtout capable d’adresser le segment autrefois dominé par le 777. Face à cette offensive, Boeing devait réagir sans tout reconstruire. Résultat : un avion plus grand, qui promet 10% de gains en consommation par rapport au 777-300ER, mais reste plus lourd et plus coûteux qu’un A350-1000.
Sur les lignes comme Dubaï – Sydney ou Francfort – Singapour, Emirates et Lufthansa attendent cette nouvelle machine pour remplacer leurs appareils vieillissants. Mais au-delà du prestige industriel, reste la question de la pertinence commerciale. Malgré plus de 400 commandes fermes, les clients restent concentrés sur une poignée de grandes compagnies du Golfe, d’Europe et d’Asie, à l’instar d’Emirates, Lufthansa, British Airways, Cathay Pacific, ou encore Qatar Airways.

Le passager y gagne-t-il quelque chose ?
La réponse est nuancée. Boeing a promis des hublots plus larges, un éclairage d’ambiance plus soigné, et une cabine plus silencieuse. Mais ces éléments sont déjà présents sur le 787 depuis plus d’une décennie. Contrairement au Dreamliner, le 777X ne bénéficie pas d’une pressurisation plus basse : l’altitude cabine restera proche de celle des 777 actuels, autour de 8 000 pieds. L’expérience 777X dépendra donc avant tout des choix de configuration faits par les compagnies.
La plupart opteront pour une configuration dense en 3–4–3 en Economy, dans la lignée du 777-300ER, ce qui pourrait limiter l’amélioration perçue sur le plan du confort, malgré les avancées techniques. Une cabine en 3–4–3 avec un pas standard sur un vol de 15 heures restera une expérience éprouvante pour les classes arrière. Mais le 777X permettra aux compagnies d’embarquer plus de passagers avec moins de carburant qu’un A380 ou un 747, ce qui, à défaut de gagner du temps de vol, pourrait préserver des tarifs compétitifs sur certaines routes long-courrier.

Conclusion.
Ce n’est pas un hasard si l’avion le plus rapide en développement n’est ni chez Boeing, ni chez Airbus, mais peut-être un jour chez Boom Supersonic. Une tentative audacieuse, mais encore incertaine, de réintroduire le vol supersonique. Boeing, lui, fait le pari inverse : l’optimisation. Pas plus de moteurs, mais plus de portée, plus de sièges, moins de consommation. Le 777X ne bousculera pas la physique, mais prolongera la viabilité des grands avions bi-couloirs, à l’heure où les quadriréacteurs tombent les uns après les autres. Le futur n’est donc pas plus rapide. Il est plus stratégique. Et c’est peut-être là que réside la plus grande lucidité du projet 777X.
Et vous, pensez-vous que le progrès aérien passe encore par la vitesse, ou par l’endurance et la sobriété ?
Julien.