Sur proposition du Comité de nomination et de gouvernance, le Conseil d’Administration d’Air France-KLM a décidé de nommer Florence Parly en tant que Présidente du Conseil d’Administration du Groupe. Elle succèdera à Anne-Marie Couderc le 4 juin prochain, après l’Assemblée Générale des actionnaires. Quel rôle réel joue aujourd’hui le Conseil d’Administration chez Air France-KLM ? Florence Parly a-t-elle les armes (et la légitimité) pour peser dans la stratégie du groupe ?
Florence Parly : une figure de l’État, plus qu’une femme d’entreprise ?
Florence Parly n’est pas une inconnue dans les cercles du pouvoir. Ancienne secrétaire d’État au Budget sous Lionel Jospin, puis ministre des Armées de 2017 à 2022, elle incarne une certaine tradition technocratique française : formation à l’ENA, maîtrise des rouages publics, sens de la discrétion. Mais ses incursions dans le secteur privé sont limitées : quelques passages chez Air France dans les années 2000, puis à la SNCF comme directrice générale déléguée.
Si son profil rassure sur le plan institutionnel, il interroge sur le plan industriel. Dans un groupe où les défis opérationnels sont lourds (recomposition de flotte, tensions sociales, montée en gamme du produit), la présidence du Conseil ne peut être purement honorifique.
Le Conseil d’administration d’Air France-KLM : pouvoir réel ou chambre d’enregistrement ?
Contrairement à certaines idées reçues, le Conseil d’administration n’est pas une simple formalité. C’est là que se décident, ou se valident, les grandes orientations du groupe : réorganisation de capital, choix de dirigeants, approbation des investissements stratégiques, gouvernance éthique, relations avec les États.
Chez Air France-KLM, le Conseil joue un rôle d’équilibriste entre intérêts français et néerlandais, actionnaires privés et présence de l’État. C’est aussi lui qui supervise la direction générale incarnée aujourd’hui par Benjamin Smith, dont la latitude opérationnelle a jusqu’ici été saluée, mais dont les équilibres restent politiquement sensibles. Dès lors, la présidence du Conseil ne peut être réduite à une figure tutélaire, même si elle ne s’ingère pas dans le quotidien. Elle donne un cap, fixe des limites, incarne une vision.

La fin d’une ère ? Ou la poursuite d’une présidence symbolique avec Florence Parly ?
Anne-Marie Couderc, ancienne ministre également, aura présidé le Conseil dans l’une des périodes les plus instables de l’histoire du groupe : crise des gilets jaunes, pandémie de Covid-19, recapitalisation douloureuse, retour progressif à la rentabilité. Si sa posture a été prudente et consensuelle, elle n’a jamais vraiment incarné une vision stratégique forte, se contentant souvent de maintenir la cohésion institutionnelle.
Florence Parly peut-elle faire différemment ? Rien ne permet encore de l’affirmer. Sa nomination semble s’inscrire dans une forme de continuité institutionnelle, voire de convenance politique, à l’heure où l’État reste actionnaire et entend conserver un mot à dire, sans s’exposer directement.
Un signal politique, plus qu’un acte stratégique ?
Dans un contexte où Air France-KLM retrouve des marges de manœuvre, mais reste confronté à une concurrence féroce, le profil de Florence Parly ne semble pas être un signal fort en direction du marché ou des clients.
Cette nomination incarne une forme de conservatisme de la gouvernance, où l’on privilégie la stabilité perçue au renouveau stratégique. Cela ne veut pas dire que Florence Parly sera absente des grands arbitrages, mais son parcours ne laisse pas présager une volonté de transformer en profondeur les équilibres internes du groupe. Il faudra sans doute attendre ses premiers positionnements pour juger de son empreinte réelle.
Conclusion.
La nomination de Florence Parly à la tête du Conseil d’administration d’Air France-KLM ne bouleverse pas les équilibres, mais elle les fige peut-être un peu plus. Femme d’État plus que stratège industrielle, sa mission s’annonce avant tout institutionnelle. Mais dans une industrie aussi mouvante que l’aérien, où les rapports de force évoluent vite, le statu quo est rarement une stratégie durable.
Et vous, pensez-vous que cette nomination répond aux défis actuels d’Air France-KLM ? Ou qu’elle illustre au contraire un attachement excessif à une gouvernance politique ?
Julien.