Le groupe IAG, maison mère de British Airways, Iberia, Aer Lingus et LEVEL, vient d’annoncer une commande colossale de 71 avions gros-porteurs. Une opération qui s’inscrit à la fois dans une stratégie de renouvellement de flotte et dans une volonté d’accompagner la croissance des marchés clés du groupe. Mais derrière l’annonce globale, se dessine une lecture plus fine des priorités, et des disparités, entre les compagnies du groupe.
IAG : une commande multi-fabricants à la répartition révélatrice.
Les chiffres sont éloquents. La commande comprend :
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32 Boeing 787-10, destinés à British Airways,
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21 Airbus A330-900, répartis entre Iberia, Aer Lingus et/ou LEVEL,
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6 Boeing 777-9, pour British Airways,
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6 Airbus A350-1000, également pour British Airways,
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6 Airbus A350-900, pour Iberia.
Au total, 53 appareils sont considérés comme de nouvelles commandes, tandis que les 18 autres correspondent à des options précédemment posées et désormais activées.
Les livraisons sont prévues entre 2028 et 2033, ce qui donne une vision à long terme du renouvellement des flottes, mais qui retarde aussi les bénéfices opérationnels à l’horizon de la prochaine décennie. IAG précise qu’environ un tiers de ces commandes serviront à la croissance de son activité, le reste étant dédié au remplacement d’avions vieillissants.
British Airways : rationalisation autour du 777X, du 787-10 et de l’A350-1000.
La stratégie de British Airways est claire : il s’agit de remplacer progressivement sa flotte de 777-200ER et de 747-400 déjà retirés, tout en consolidant autour de trois types long-courrier modernes. Le 777-9, bien que toujours en attente de certification, constituera le futur vaisseau amiral, tandis que le 787-10 et l’A350-1000 offriront plus de densité sur les routes premium.
La logique de rationalisation est ici pertinente : moins de types d’appareils, des cabines standardisées, une maintenance simplifiée. À condition que Boeing tienne ses engagements de certification, British Airways pourrait ainsi entrer dans une nouvelle phase de maturité industrielle.
Iberia et LEVEL : confirmation d’une montée en gamme progressive au sein d’IAG.
La réception de 6 nouveaux A350-900 chez Iberia s’inscrit dans la continuité de sa stratégie récente de montée en gamme. L’A350 y est déjà bien implanté, et sa flotte d’A330 peut désormais entamer un retrait progressif.
La mention de LEVEL dans la distribution des futurs A330-900 demeure plus floue. Faute de détails, difficile de dire si cela correspond à une réelle ambition de faire évoluer cette marque low-cost long-courrier ou simplement à une réserve stratégique d’allocation d’avions en cas de besoin.
Aer Lingus : enfin un renouvellement de flotte en perspective ?
C’est sans doute l’élément le plus réjouissant de cette annonce. Longtemps considérée comme la “compagnie oubliée” du groupe, Aer Lingus exploite encore 13 Airbus A330, dont certains (notamment les -200) affichent plus de 20 ans. Le remplacement de cette flotte s’imposait avec urgence.
L’arrivée d’A330-900, si elle se confirme en nombre suffisant, pourrait marquer un véritable tournant pour Aer Lingus, en lui permettant d’améliorer sa performance économique tout en modernisant l’expérience client. Reste à savoir si la cabine suivra cette ambition, ou si l’A330neo ne sera qu’un outil technique sans saut qualitatif.
IAG : une opération aussi politique qu’industrielle ?
La commande, bien que présentée dans le cadre d’un nouvel accord commercial entre les États-Unis et le Royaume-Uni, n’a en réalité rien d’un contrat exclusivement transatlantique. Airbus comme Boeing sont concernés, les appareils seront répartis dans des compagnies basées en Espagne, en Irlande et au Royaume-Uni, et IAG demeure une holding enregistrée en Espagne.
Cette mise en scène politique est donc avant tout une opération de communication transversale, qui masque en partie une réalité plus nuancée : IAG fait le pari de la continuité industrielle, mais aussi celui d’une gestion différenciée des priorités internes, où British Airways reste le moteur visible, tandis qu’Aer Lingus attend toujours sa pleine reconnaissance stratégique.
Conclusion.
Avec cette commande de 71 gros-porteurs, IAG engage un vaste chantier de modernisation qui structurera ses opérations long-courrier jusqu’au début des années 2030. L’enjeu est double : améliorer la rentabilité opérationnelle grâce à des avions plus efficients, tout en rééquilibrant les outils industriels entre ses différentes compagnies. Reste à savoir si ce renouvellement se traduira par une homogénéisation qualitative de l’expérience client ou si, comme souvent, certaines marques du groupe continueront à capitaliser sur l’image, quand d’autres resteront dans l’ombre des géants.
Et vous, pensez-vous qu’IAG réussira à faire converger ses compagnies autour d’un standard long-courrier réellement cohérent ?
Julien.