D’ici 2027, l’Inde ambitionne de devenir le troisième hub aérien planétaire. Un pari crédible ? Analyse d’une mutation accélérée, entre explosion domestique, ambitions internationales renforcées et transformation industrielle portée par un écosystème en plein bouleversement.
Une ambition à la hauteur du pays.
7,7 millions d’emplois, 53,6 milliards de dollars de contribution au PIB, plus de 3 millions de tonnes de fret annuel : les chiffres dévoilés en marge de l’AGM IATA 2025 à Delhi témoignent d’une chose : l’aviation en Inde n’est plus un secteur périphérique, mais une infrastructure stratégique au cœur de la croissance du pays.
À l’horizon 2027, l’Inde ambitionne de devenir non seulement le troisième marché mondial de l’aérien mais aussi un hub international incontournable, capable de concurrencer les plateformes du Golfe. Encore récemment sous-desservie sur les segments internationaux, la puissance aérienne indienne s’organise pour combler son retard et prendre le lead.
Inde : un marché domestique en effervescence.
Si l’ambition est mondiale, la dynamique part d’un socle national solide. Avec plus de 113 millions de passagers en 2024 pour IndiGo seule (contre 75 millions en 2019), l’Inde affiche une croissance intérieure parmi les plus rapides au monde. Le nombre de premiers vols n’a jamais été aussi élevé, porté par une population jeune, urbaine, connectée.
Le pays compte aujourd’hui plus de 100 liaisons quotidiennes entre Delhi et Mumbai, plus de 70 vols par jour entre Delhi et Bangalore, et une densité de réseau inégalée en Asie du Sud. Côté infrastructures, la montée en capacité passe par l’ouverture de deux nouveaux aéroports majeurs : Jewar (Noida International Airport) près de Delhi, et Navi Mumbai International Airport, qui viendra désengorger la capitale économique. À cela s’ajoutent de nombreux terminaux en construction et une stratégie active de hubs secondaires.
D’un modèle low-cost à une segmentation assumée.
Longtemps dominé par les logiques de prix, le marché indien évolue. IndiGo reste leader incontesté, mais son virage stratégique est net : passage d’un pur modèle low-cost à un positionnement hybride, avec offres premium, programme de fidélité, service cargo et renforcement constant de son carnet de commandes.
Air India, depuis le début de sa fusion avec Vistara sous la houlette du groupe Tata, vise le haut du pavé avec une montée en gamme assumée, des commandes d’Airbus A350, de retrofit à venir (très prochainement) des Boeing 787, et un repositionnement global. Akasa Air, quant à elle, capitalise sur la modernité de son image et sa dynamique d’expansion rapide.
L’écosystème devient ainsi plus complexe, plus diversifié, et surtout plus mature, capable de répondre aux attentes d’une clientèle qui évolue vite.
Rattraper le retard international.
L’un des défis majeurs de l’aviation indienne reste sa sous-représentation historique sur les liaisons internationales. Cette époque est en passe de prendre fin. IndiGo dessert désormais plus de 40 destinations hors du pays, deux fois plus qu’avant la pandémie, et ambitionne d’atteindre 40% de sièges-kilomètres disponibles à l’international d’ici 2030. Par ailleurs, la compagnie vient d’étendre son partenariat avec Air France-KLM, Delta et Virgin Atlantic élargissant encore davantage son horizon.
Les A321XLR et Airbus A350 (dont la première livraison est prévue en 2027) en commande ouvriront des liaisons point à point vers l’Europe et l’Asie centrale. Air India déploie déjà ses A350-900 à l’international, et aligne également ses 787 bientôt rétrofités et 777 sur l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Asie-Pacifique. L’ambition est claire : faire émerger une puissance de projection long-courrier made in India, sans passer par les hubs du Golfe.
Inde : une industrie en mutation accélérée.
Les défis restent nombreux. La chaîne d’approvisionnement mondiale pèse sur les livraisons, même si le volume du carnet d’IndiGo lui offre une certaine flexibilité. Les besoins en formation sont considérables : 2 000 personnes formées chaque jour chez IndiGo. L’infrastructure aéroportuaire s’étend, mais la gestion du trafic aérien, les accès terrestres et la connectivité intermodale doivent suivre.
En parallèle, la transition numérique (DigiYatra), l’automatisation des flux et le soutien gouvernemental offrent un socle institutionnel propice. La réforme des politiques d’aviation civile, la reconnaissance statutaire du secteur dans le développement national et la dynamique de privatisation ont permis d’amorcer une nouvelle ère.
Conclusion.
À travers le prisme de ses compagnies, de ses projets d’aéroports et de ses ambitions exportatrices, l’Inde veut se donner les moyens d’une souveraineté aérienne moderne. Loin du statut de marché captif, elle revendique un rôle d’acteur global, d’origine, de transit et de destination. L’histoire de l’aviation mondiale s’est longtemps écrite ailleurs. Mais avec sa population, son dynamisme économique et ses choix stratégiques, l’Inde pourrait devenir le hub de la prochaine génération.
Et vous, pensez-vous que l’Inde est sur le point de redéfinir les cartes de l’aviation mondiale ou devra-t-elle encore patienter avant de devenir un hub à la hauteur de ses ambitions ?
Julien.
