Privatisée fin 2021 et de retour dans le giron de Tata Group, son propriétaire historique, Air India s’est engagée dans un plan de transformation d’une ampleur rarement vue dans l’aviation commerciale indienne. Mais si la vision est ambitieuse, l’exécution s’annonce longue et semée d’embûches.
Air India : une renaissance sous pavillon Tata.
Lorsque Tata Group reprend le contrôle d’Air India en décembre 2021, l’héritage est lourd. Une flotte vieillissante, des produits cabine datés, et une image ternie par des années de gestion publique. Le redressement passe par deux axes majeurs : une modernisation accélérée de la flotte et un repositionnement sur le segment premium.
En début 2023, la compagnie frappe un grand coup en commandant, pour plusieurs dizaines de milliards de dollars, des centaines d’avions Airbus et Boeing. Mais parallèlement, Tata veut aussi rénover le cœur de l’offre long-courrier actuelle : les Boeing 787-8 et 777-300ER.
400 millions de dollars pour un nouveau visage.
Dévoilé fin 2022, le programme de retrofit vise à réinventer l’expérience à bord. Les 26 Boeing 787-8 et 13 Boeing 777-300ER hérités recevront :
-
De nouveaux sièges sur toutes les classes de voyage, accompagnés d’un système de divertissement dernière génération et du Wi-Fi.
-
L’introduction d’une classe Premium Economy sur l’ensemble du réseau long-courrier.
-
Le maintien d’une Première classe sur les 777-300ER : un choix devenu rare à l’échelle mondiale, que Tata justifie par la volonté de conserver une vitrine ultra-premium. Les 787, eux, n’en disposeront pas.
-
Une nouvelle configuration cabine, confiée au cabinet londonien JPA Design, assisté par Trendworks, avec une montée en gamme marquée en Business : des sièges full flat bien entendu, mais avec un accès direct au couloir et portes coulissantes pour plus d’intimité.
Un calendrier qui s’étire jusqu’en 2028 pour Air India.
Initialement, les premiers appareils rénovés devaient voler mi-2024 et l’ensemble être achevé d’ici fin 2026 ou début 2027. Mais la réalité industrielle rattrape le projet : problèmes d’approvisionnement, contraintes logistiques et complexité technique repoussent l’échéance.
Aujourd’hui, le plan révisé est clair :
-
Dès la fin 2025 : deux premiers Boeing 787-8 reconfigurés entreront en service.
-
En juillet 2027 : tous les Boeing 787 seront rétrofités.
-
Dès le début 2027 : les premiers Boeing 777-300ER seront reconfigurés.
-
En octobre 2028 : fin des travaux sur les 777 (… au mieux).
En attendant, certains 777-300ER bénéficient d’un léger « lifting » (avec notamment des nouveaux revêtements de sièges, moquettes et finitions), histoire de patienter jusqu’au vrai saut qualitatif.
Une flotte long-courrier aux multiples visages.
La transformation est d’autant plus complexe qu’Air India opère aujourd’hui un patchwork d’appareils :
-
6 ex-Delta 777-200LR avec une Business en full flat et une offre Premium Economy.
-
6 ex-Etihad 777-300ER avec un produit First, bien plus premium que sur les 777 « maison ».
-
Enfin des Airbus A350-900 initialement destinés à Aeroflot, avec une configuration non alignée sur les futurs standards de la compagnie indienne.
Cette diversité offre une expérience inégale selon les routes, et souligne l’urgence de l’harmonisation promise par Tata.
La First comme symbole, le temps comme adversaire.
Le maintien d’une First sur les 777 est un pari audacieux. Alors que de nombreuses compagnies préfèrent investir dans une Business de très haut niveau, Air India mise sur un produit d’exception pour séduire une clientèle fortunée, indienne et internationale.
Mais ce choix pose deux questions :
-
Celle de la rentabilité : un siège de First est cher à exploiter, surtout si la demande reste volatile.
-
Celle de la pertinence temporelle : en 2028, date prévue de fin des rénovations, les standards auront encore évolué, et il faudra éviter que ce produit « neuf » ne paraisse déjà daté.
L’introduction de la Premium Economy, en revanche, semble parfaitement adaptée au marché indien, caractérisé par de longs vols et une clientèle prête à payer un supplément pour plus de confort.
Conclusion.
Le programme de rénovation cabine d’Air India est ambitieux et cohérent, mais son calendrier dilué dans le temps fragilise l’impact immédiat de l’investissement. En misant sur une montée en gamme marquée, Tata joue la carte du prestige et de la différenciation, tout en modernisant l’offre pour capter une clientèle intermédiaire en croissance.
Et vous, pensez-vous qu’Air India pourra combler son retard tout en restant compétitive face aux géants du Golfe et aux majors européennes ?
VdC.
