Malgré deux crashs ayant coûté la vie à 346 personnes et des preuves accablantes d’une volonté de dissimulation lors du développement du 737 MAX, Boeing ne sera pas poursuivi pénalement. Un nouvel accord avec le Département de la Justice (DOJ) des États-Unis met un terme au risque de procès, en échange d’un ensemble de paiements, d’investissements internes et de promesses de conformité renforcée. Pour de nombreuses familles de victimes, ce compromis ne représente rien d’autre qu’un nouveau renoncement à la justice.
Un accord qui met fin à la menace judiciaire pour Boeing.
Le 21 mai 2025, le Département de la Justice a annoncé avoir conclu un accord de non-poursuite avec Boeing. L’avionneur évite ainsi d’être jugé pour fraude criminelle dans le cadre du développement du 737 MAX, dont deux exemplaires, opérés par Lion Air (2018) et Ethiopian Airlines (2019), se sont écrasés peu après leur mise en service.
Cet accord, qui prévoit que Boeing paie ou investisse 1,1 milliard de dollars, inclut :
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une amende pénale de 487,2 millions de dollars (dont près de la moitié déjà acquittée dans l’accord de 2021) ;
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la création d’un nouveau fonds d’indemnisation des victimes à hauteur de 444,5 millions de dollars ;
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445 millions de dollars dédiés à des programmes de conformité, sécurité et qualité.
La responsabilité de Boeing évitée, encore une fois.
C’est la deuxième fois en quatre ans que Boeing échappe à un procès fédéral. En 2021 déjà, à la toute fin de l’administration Trump, un premier accord de poursuite différée avait permis à l’entreprise d’éviter des poursuites en échange de paiements et de mesures correctives. Cet accord était censé durer trois ans mais fut violemment remis en cause en janvier 2024, lorsque le panneau d’un 737 MAX 9 d’Alaska Airlines s’est arraché en vol, révélant l’absence de fixation de plusieurs boulons à la sortie d’usine. Selon le DOJ, Boeing a alors violé les termes de l’accord de 2021, notamment son engagement à instaurer une culture de conformité et à prévenir les fraudes.

Les familles en colère, la justice divisée.
Plus de 110 familles de victimes ont, selon le DOJ, exprimé leur soutien ou leur compréhension vis-à-vis de l’accord. Mais de nombreuses autres s’y opposent frontalement. Pour Paul Cassell, avocat de plusieurs familles, ce compromis constitue un précédent dangereux :
« C’est un accord de non-poursuite sans précédent, et manifestement injustifié, pour le crime d’entreprise le plus meurtrier de l’histoire des États-Unis. »
Des proches de victimes continuent de réclamer un procès public, et un engagement pénal direct de la responsabilité des dirigeants de Boeing : un souhait déjà écarté en 2022, lorsque Mark Forkner, ancien pilote technique en chef, fut acquitté des accusations de fraude.

Boeing : une impunité structurelle ?
Derrière cet accord se dessine une question plus large : une entreprise comme Boeing peut-elle être réellement jugée ? Fournisseur clé de l’armée américaine, acteur central de la balance commerciale du pays, engagé dans le développement du futur Air Force One et du prochain chasseur de l’US Air Force, l’avionneur reste un acteur trop gros pour tomber.
À chaque crise, un nouveau programme de conformité est annoncé. À chaque défaillance, un fonds d’indemnisation vient remplacer l’ouverture d’un procès. Le récit d’une culture de l’aveuglement, révélée par les mails internes et les stratégies d’influence sur la FAA (l’autorité américaine de l’aviation), reste encore aujourd’hui sans réelles conséquences judiciaires.
Conclusion.
Boeing échappera une nouvelle fois à la justice pénale, malgré les vies brisées, les manipulations documentées, et les échecs répétés en matière de sécurité. Derrière la mécanique juridique de l’accord, la dissonance morale est profonde : 346 morts, et toujours aucune condamnation ferme pour ceux qui ont permis que cela arrive.
Et vous, pensez-vous qu’une entreprise comme Boeing pourra un jour être jugée à la hauteur de ses fautes ?
Julien.