Sous la pression croissante de ses clients et face à une concurrence qui ne cesse de se renforcer, Lufthansa dévoile son Projet Fox. Derrière ce nom de code, une réalité : celle d’une compagnie historique qui tente de réparer en urgence l’érosion de son expérience passager, après des années d’immobilisme produit et de coupes budgétaires. Alors que 2026 marquera le centenaire du groupe, Projet Fox sera-t-il un véritable nouveau départ, ou un simple cautère sur une jambe de bois ?
L’érosion du produit Lufthansa : une décennie de désengagement.
Depuis plus de dix ans, Lufthansa a priorisé la maîtrise des coûts au détriment de l’expérience client. Cette stratégie s’est notamment matérialisée par :
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des retards répétés dans la modernisation de la cabine long-courrier,
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la standardisation du catering autrefois reconnu,
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la suppression progressive des attentions personnalisées en Business et First,
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l’absence d’innovation visible dans l’ambiance de vol et le divertissement.
Ce choix stratégique a provoqué une chute brutale du Net Promoter Score du groupe, indicateur clé de la satisfaction client. Plus grave encore : Lufthansa a perdu l’attachement émotionnel de sa clientèle premium, au moment où d’autres compagnies, à l’instar d’Air France, Qatar Airways, ou même Singapore Airlines, redoublaient d’investissements.
Le lancement du Projet Fox est donc moins un mouvement d’innovation qu’une réponse défensive à une perte d’attractivité devenue insupportable.

Projet Fox : une modernisation du soft product sous contrainte.
Annoncé pour être pleinement déployé en 2026, Projet Fox vise une révision intégrale de tous les éléments de service à bord. Dans les faits, cela devrait se traduire par :
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de nouvelles couvertures et oreillers en Economy et Premium Economy,
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des kits de confort Business entièrement repensés,
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un nouveau concept de catering en Business et First,
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une refonte de la vaisselle, des couverts, des accessoires de service,
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la révision de l’interaction équipage-passager.
Ce projet a mobilisé 180 collaborateurs en interne, impliqué près de 2 000 passagers dans des consultations, et débouché sur 150 scénarios prototypes de service. À travers Projet Fox, Lufthansa promet de reconstruire un standard d’expérience digne de ses ambitions premium.

Lufthansa : des vols tests stratégiques dès 2025 avec une ébauche du Projet Fox.
Plutôt que de tout déployer d’un bloc, Lufthansa a opté pour une approche pragmatique par tests progressifs en vol commercial :
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Dès avril 2025, les nouvelles prestations Economy seront testées entre Munich – Los Angeles et Munich – San Diego,
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En mai 2025, la nouvelle First sera expérimentée sur Francfort – Buenos Aires et Francfort – Johannesburg,
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En fin mai 2025, ce sera au tour de la Business sur Francfort – Houston et Francfort – Newark.
Chaque vol test permettra de recueillir les impressions en conditions réelles et d’ajuster en conséquence les futurs standards définitifs.
Cette approche de type test & learn, relativement nouvelle pour Lufthansa, laisse espérer une agilité bienvenue dans un groupe historiquement marqué par la lourdeur décisionnelle. Mais elle soulève aussi des interrogations : l’exécution et la cohérence de ces tests seront déterminantes pour crédibiliser le projet.

La concurrence a déjà changé d’ère.
Pendant que Lufthansa tentait de préserver ses marges, la concurrence européenne et internationale a radicalement évolué :
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Air France a repensé sa Business et sa First, tout en revalorisant son service à bord sur toutes les classes de voyage.
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British Airways a réussi à redorer son image grâce à la Club Suite et une nouvelle dynamique produit.
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Turkish Airlines, portée par l’ouverture de son nouveau hub d’Istanbul, séduit par un équilibre entre hard et soft product.
Dans ce contexte, Lufthansa apparaît aujourd’hui comme le maillon faible du premium européen, plus proche de compagnies de volume que d’une marque réellement aspirante.
Un problème culturel plus profond qu’une simple question de produit.
Derrière les retards d’Allegris et la lente réactivité commerciale se cache un problème de gouvernance. En effet, Lufthansa Group est marqué par une culture clivante de financiarisation avec notamment :
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la création de filiales à bas coûts,
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l’externalisation de ses services,
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la priorité au rendement immédiat sur l’investissement produit.
Dans cet écosystème, l’expérience client n’a pas été perçue comme un levier stratégique, mais comme un coût variable. Projet Fox, pour réussir, devra donc être plus qu’une mise à jour du service : il faudra changer la mentalité de l’organisation, replacer l’expérience passager au cœur de l’identité Lufthansa, et non à sa périphérie.
L’échec n’aurait rien d’anecdotique.
Il scellerait :
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la marginalisation de Lufthansa sur les marchés premium Europe-Amériques et Europe-Asie,
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la montée en puissance d’Air France, British Airways, Turkish Airlines, et d’autres acteurs sur les flux intercontinentaux,
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La consolidation du leadership d’Emirates et Qatar Airways sur le segment ultra-premium.
Autrement dit, Lufthansa perdrait à la fois son prestige historique et son levier de valeur économique.
Conclusion.
Avec son Projet Fox, Lufthansa tente de regagner du terrain mais surtout du temps. En agissant enfin sur l’expérience client, le groupe admet, implicitement, avoir laissé dériver son ADN premium pendant trop longtemps. Reste à savoir si cette modernisation partielle suffira. Car au-delà des couvertures moelleuses et des assiettes stylisées, c’est l’ambition même du groupe qui devra être réaffirmée : celle d’une Lufthansa capable d’émerveiller, d’émouvoir, et pas seulement de transporter. À l’approche de son centenaire, la compagnie est face à un choix historique : réinventer son futur, ou s’enfoncer dans l’indifférence.
Et vous, pensez-vous que Lufthansa peut réellement reconquérir sa clientèle haut de gamme avec le Projet Fox ? Peut-on restaurer une image premium sans révolution du hard product ? Lufthansa dispose-t-elle encore de l’agilité culturelle pour redevenir une marque d’excellence ?
Julien.