Qatar Airways : nouvelle ère stratégique sous Badr Al Meer

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Julien
Julien
Julien, célèbre dans l'industrie du transport aérien sous le pseudonyme de Tyler Birth pendant plus de dix ans, est un véritable passionné et est un expert reconnu de la communication, spécialisé dans le secteur du transport aérien. Il a une solide expérience dans l'expérience passager et la gestion des parcours clients, les programmes de fidélité, et le secteur de l'hôtellerie de luxe. Sa connaissance technique et sa compréhension des dynamiques du transport aérien lui permettent de développer des stratégies de communication efficaces qui améliorent les interactions entre les compagnies aériennes et leurs clients.

Depuis la prise de fonctions de Badr Mohammed Al Meer en tant que Group Chief Executive Officer de Qatar Airways, le secteur scrute avec attention ses trop rares sorties publiques. Dans un entretien accordé aujourd’hui à Bloomberg TV, le successeur d’Akbar Al Baker, figure tutélaire et emblématique, a livré une série de réponses qui permettent d’éclairer, en creux, la doctrine du nouveau patron : celle d’une continuité rationnelle, teintée d’un certain réalisme industriel, où chaque pièce du puzzle semble placée pour consolider sans révolutionner.

Des résultats financiers historiques en ligne de mire.

Le ton est donné d’entrée. Badr Mohammed Al Meer l’affirme, Qatar Airways prévoit d’ores et déjà « des résultats financiers historiques » pour l’exercice en cours. Et de rappeler que l’exercice 20232024 a déjà constitué une année record pour la compagnie qatarie, avec les bénéfices les plus élevés jamais atteints dans son histoire. Cette promesse de rentabilité s’inscrit dans un contexte porteur, mais aussi dans une dynamique de croissance raisonnée, fondée sur l’optimisation du réseau et des partenariats plus que sur la seule expansion de flotte ou d’ouvertures de lignes.

En effet, parmi les chiffres avancés, un a fait mouche : 5 000 vols quotidiens dans le monde portent un numéro de vol Qatar Airways, grâce notamment aux accords de codeshare et de coopération. Un volume impressionnant qui souligne la stratégie de « smart growth » revendiquée par Badr Al Meer. Ainsi, plutôt que de tout opérer en propre, la compagnie préfère mailler son réseau par des partenariats structurants, renforçant ainsi sa présence globale tout en limitant ses investissements directs. Une posture plus souple, moins expansionniste que sous l’ère Al Baker, mais non moins efficace.

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Crédit : Qatar Airways

Tarifs douaniers et incertitudes géopolitiques : résilience en façade.

À la question des impacts des droits de douane américains potentiels, dans un contexte où les tensions commerciales sino-américaines et les velléités protectionnistes pourraient affecter le secteur aéronautique, la réponse du dirigeant est limpide : Qatar Airways est résiliente, agile et s’adaptera, quoi qu’il arrive. Loin du discours défensif, la compagnie qatarie affiche ici sa capacité à absorber les secousses du marché. Il faut dire qu’elle est coutumière des crises structurelles : blocus régional, pandémie, tensions avec Airbus, … La résilience est devenue une seconde nature. Le discours est donc stratégique autant qu’identitaire.

Sur la chaîne d’approvisionnement, même ligne : « Nos stocks sont suffisants, ce qui nous permet de ne pas faire peser la hausse des prix sur nos clients. » Une manière habile de rassurer la clientèle tout en affirmant que le groupe ne se laissera pas contraindre par les fournisseurs, ni les événements macroéconomiques. En effet, depuis plusieurs mois, Airbus, Boeing, et surtout les motoristes (Rolls-Royce, GE Aviation) alertent sur les pénuries de pièces de rechange, les coûts en forte hausse, et les problèmes d’approvisionnement. De nombreuses compagnies doivent immobiliser des appareils. Qatar Airways veut ici marquer sa différence en se présentant comme préparée, stratégiquement mieux organisée, et non dépendante de l’inflation industrielle immédiate.

Rolls-Royce et moteurs Trent : les attentes de fiabilité.

Sur la motorisation long-courrier, Badr Al Meer a livré un aveu rare dans la bouche d’un dirigeant de la région : l’A350-900 reste le modèle préféré de l’équipe commerciale, tant pour ses performances que pour sa fiabilité opérationnelle. Il souligne cependant les efforts d’Airbus et de Rolls-Royce pour améliorer la durée de vie des moteurs sur A350-1000, notamment en matière de cycles. Une manière implicite de reconnaître certaines limites techniques, mais aussi de maintenir la pression sur les fournisseurs.

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Crédit : Shutterstock

Un carnet de livraisons ambitieux, malgré les incertitudes industrielles.

Côté flotte, les annonces sont multiples :

Si ce calendrier est respecté, Qatar Airways devrait disposer d’un parc modernisé, capable d’accompagner à la fois la densification du réseau régional (via l’A321neo, positionné comme pilier du court-courrier) et la montée en gamme long-courrier, avec une flotte exclusivement composée de widebodies de dernière génération.

L’un des points les plus intéressants évoqués dans l’interview concerne le lancement de la nouvelle génération de la Qsuite, le produit signature Business de Qatar Airways. Initialement attendue sur le 777X, la Qsuite NextGen pourrait finalement faire ses débuts sur l’A350-1000, en raison des retards accumulés sur le programme de Boeing.

Ce glissement stratégique n’est pas anodin. Il témoigne d’un besoin urgent de renouvellement produit, notamment face aux nouvelles offres de la concurrence. En déployant sa nouvelle cabine sur A350, Qatar Airways anticipe sans attendre la prochaine décennie d’excellence produit. Une décision déjà opérée, par exemple, par Cathay Pacific sur Boeing 777 pour l’introduction de sa nouvelle classe Affaires initialement prévue sur les futurs 777X de la flotte.

Qatar Airways

Une diplomatie industrielle bien huilée.

Sur la question des relations avec Airbus et Boeing, Badr Al Meer joue la carte du réalisme contractuel. Il évoque des retards de livraison qui peuvent « rendre les choses difficiles », mais précise qu’un RFP (appel d’offres formel) a été envoyé aux deux avionneurs, afin de garantir le meilleur prix comme client majeur des deux.

Et de conclure, presque avec malice : « Qu’ils s’affrontent ! » Une punchline digne de son prédécesseur, mais au service d’un pragmatisme froid. Le message est clair : Qatar Airways ne jouera pas les fidèles, mais les stratèges.

Une stratégie d’investissement actionnarial offensive et cohérente.

Enfin, la partie equity est loin d’être anecdotique. Qatar Airways détient :

Ce schéma illustre un modèle d’expansion par capillarité : Qatar se positionne sur des compagnies clés en périphérie de marchés stratégiques, afin de connecter son hub de Doha à des flux secondaires régionaux difficilement accessibles autrement. Un modèle proche de celui d’Etihad à ses débuts, mais plus ciblé, plus resserré, plus opérationnel.

Enfin, sur la question de la concurrence dans le Golfe, sa réponse tranche avec le ton souvent dominateur de son prédécesseur : « Il y a de la place pour tout le monde », déclare-t-il. Une reconnaissance implicite d’un marché désormais partagé, mature, où la guerre des parts de marché cède le pas à des équilibres de cohabitation entre Qatar Airways, Emirates et Etihad. Là encore, le ton est pragmatique. Et probablement plus lisible pour les investisseurs internationaux.

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Une posture encore marquée par l’héritage aéroportuaire.

Difficile de ne pas noter le contraste avec Akbar Al Baker. L’interview s’est tenue dans l’enceinte même de l’aéroport, dans un cadre plus corporate qu’aérien, un choix qui illustre bien le prisme infrastructurel encore très présent dans le positionnement de Badr Al Meer. Ancien patron de Hamad International Airport, il aborde encore souvent les sujets sous l’angle de l’efficience, de la connectivité et de la robustesse opérationnelle, des qualités précieuses, mais parfois au détriment de l’émotionnel et de la différenciation produit.

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Crédit : Qatar Airways

Conclusion.

L’interview accordée par Badr Al Meer à Bloomberg TV n’aura rien de spectaculaire et c’est précisément ce qui la rend stratégique. En jouant la carte de la continuité, du réalisme et de la précision technique, le nouveau patron de Qatar Airways rassure sans promettre, confirme sans se surexposer, ajuste sans révolutionner. Qatar Airways semble donc entrer dans une phase de consolidation mature, où chaque choix, produit, flotte, réseau ou partenariat, s’inscrit dans une architecture pensée à long terme.

Et vous, pensez-vous que Qatar Airways peut-elle encore rester leader en matière d’expérience client sans rupture produit visible ? Le nouveau GCEO saura-t-il imposer sa marque, ou prolongera-t-il uniquement celle d’Al Baker ?

Julien.

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Julien, célèbre dans l'industrie du transport aérien sous le pseudonyme de Tyler Birth pendant plus de dix ans, est un véritable passionné et est un expert reconnu de la communication, spécialisé dans le secteur du transport aérien. Il a une solide expérience dans l'expérience passager et la gestion des parcours clients, les programmes de fidélité, et le secteur de l'hôtellerie de luxe. Sa connaissance technique et sa compréhension des dynamiques du transport aérien lui permettent de développer des stratégies de communication efficaces qui améliorent les interactions entre les compagnies aériennes et leurs clients.

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1 COMMENTAIRE

  1. Qatar airways la compagnie qui promet beaucoup, mais si vous êtes un voyageur fréquents, vous connaissez les changement de cabine/avion et vous vous retrouvez avec une cabine antique en 2-2-2 et ca dure depuis des années, il faut voir les centaines de plaintes sur les forums ou meme facebook.

    Le nouveau CEO devrait avoir honte d’afficher un bénéfice pareil avec des avions qui ne sont plus rénovés en Qsuite.

    Alors la Qsuite 2… sérieusement… on s’en balance… la même comédie va recommencer.

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